La couverture estampillée « Best Seller » est admirable ; le titre fascinant ; la quatrième promet « une fresque magistrale » (Le Figaro), « un Game of Thrones où tout est vrai » (La Libre Belgique), un ouvrage « fascinant de bout en bout » (The Times). Songez donc ! à moi qui, passionné d’histoire, me suis fendu d’une nouvelle sur Jean sans Peur, il n’en fallait pas plus : je me laissais prendre au filet pervers du marketing, et dévorais en quelques jours la grande histoire de Bart Van Loo sur la lignée des Bourguignons.
Disons-le tout de suite, ce n’est pas pour rien que ce livre fut populaire : c’est d’une écriture fort vulgaire. On est loin de Bertrand Schnerb dont je recommande chaudement la lecture… et combien plus encore de Jules Michelet, et des stylistes du dix-neuvième !… La vulgarisation l’emporte sur la rigueur ; l’expression commune, sur l’élégance de l’expression ; et le désir de séduire, qui frôle parfois l’anachronisme, sur l’exactitude historique. Ainsi, on regrettera ici et là un tableau vaguement cliché de la féodalité ; une analyse, que l’auteur reconnaît certes teintée « d’anachronisme et d’exagération », de la guerre de Cent Ans ans comme le « premier combat féministe de l’Histoire » (!) ; ou encore une confusion habile entre sexe et statut social, pour abonder dans le sens d’un occident médiéval évidemment misogyne — ce que contredit d’ailleurs d’un bout à l’autre l’histoire des ducs de Bourgogne.
Mais voilà pour les défauts ! — passons aux qualités. Si l’auteur n’est ni grand historien ni grand écrivain, il est assurément grand pédagogue, et narre l’épopée complexe des successeurs du Hardi avec un talent qui tient le lecteur en haleine. C’est d’autant plus honorable que la Bourgogne, qui s’est au cours des siècles fondue dans le « centralisme rigide » du royaume de France, a été quelque peu oubliée par la mémoire collective et n’intéresse plus guère le peuple. Voyez : nous connaissons tous Jeanne d’Arc, Charles VII, Louis XI ; mais qui pourrait raconter — même superficiellement — les vies de Philippe le Hardi, de Jean sans Peur ou de Charles le Téméraire ? Qui sait même que Charles Quint descend en droite ligne du premier ?… C’est donc salutairement que B. Van Loo rappelle cette vérité historique importante entre toutes : qu’il s’en fallut d’un cheveu que la Bourgogne ne parvienne à s’adjoindre aux « Plats Pays » (Benelux), qu’elle ne forme une vaste entité culturelle, et constitue un pays à part entière entre la France et le Saint Empire… qui eût pu devenir une nation égale à l’Espagne ou à l’Angleterre.
PHILIPPE LE HARDI
Tout commence en 1356. Depuis dix-neuf ans, la guerre fait rage entre la France et l’Angleterre. Le Prince Noir, qui vient de débarquer en Aquitaine, met le duché à feu et à sang. Le peuple implore son protecteur : il crie au secours. Le bon roi Jean, dès qu’il apprend que son ennemi juré, après avoir saccagé le sud-ouest, chevauche en direction de Paris, se précipite avec ses chevaliers : les armées se rencontrent à Poitiers. Les chevaliers de France, membres de l’ordre de l’Étoile, ont juré de ne pas reculer de plus de quatre pas : ils chargent de front, cimiers bouffants et bannières déployées. Mais la Perfide Albion a depuis longtemps troqué l’honneur pour la tactique : les archers cachés dans les buissons massacrent la chevalerie sans pitié, puis l’infanterie s’élance… et pour la France, la bataille tourne à l’hécatombe. Jean voit ses chevaliers mourir autour de lui les uns après les autres ; bientôt, lui-même se retrouve encerclé d’ennemis. C’est alors que son fils, Philippe, — âgé de quatorze ans ! —, s’élance afin de le secourir : « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ! » Le roi lève son bouclier, s’acharne à se défendre : il est finalement capturé mais sain et sauf, grâce au courage de son cadet.
Lorsque le duché de Bourgogne tombe en déshérence, quelques années plus tard, le roi le donne à son fils, en souvenir de la bataille au cours de laquelle il lui sauva la vie. Philippe le Hardi épouse dans la foulée Marguerite, la fille de Louis de Male, comte de Flandre ; puis, après avoir aidé ce dernier à mater la révolte d’Artavelde, il réunit la Flandre et la Bourgogne, et jette les bases d’une grande union bâtarde qui fera trembler toute l’Europe. Songea-t-il alors à Gondicaire ? — ce roi des Burgondes, qui tenta d’envahir la Gaule belgique, inspira jadis la Chanson des Nibelungen…
Dans les contrées septentrionales, l’histoire bourguignonne avait débuté en 435 lors de l’échec de l’invasion de la Gaule belgique par le roi Gondicaire. Le sang alors versé donna au monde la Chanson des Nibelungen et aux Burgondes s’étant empressés de s’enfuir, une terre qui allait définitivement devenir la leur. Un petit millénaire plus tard, le duc Philippe le Hardi était sur le point d’acquérir une partie considérable de la future Belgique, réalisant de la sorte l’ancestral rêve du roi.
(B. Van Loo, Les Téméraires, trad. D. Cunin et I. Rosselin)
Je passe sur la politique de Charles V, frère aîné du Hardi, « le premier roi à incarner ce qui deviendrait l’archétype du grand dirigeant de la France : un politicien et un tacticien qui, en plus de prendre de bonnes décisions, cite les bons livres ». Je passe également sur les révoltes d’Étienne Marcel et des Artavelde, ces ancêtres de « Desmoulins, Robespierre et Danton », ainsi que sur les digressions nombreuses de l’auteur — l’histoire des tournois, les horloges mécaniques —, pour aller à l’essentiel : le double mariage des enfants du duc de Bourgogne, qui permit à ce dernier d’adjoindre le Hainaut, la Hollande, la Zélande et le Brabant à ses terres déjà nombreuses. Coup de maître ! — par sa réputation guerrière, son faste, ses manières, son expansionnisme et ses stratégies maritales, le Hardi aura incarné l’un des types les plus représentatifs de la lignée des Bourgogne.
JEAN SANS PEUR
Le fils du Hardi, Jean, n’était pas moins rusé que son père ; seulement, il lui fallait jouer au grand jeu des trônes avec des règles autrement complexes. En France, le Fol avait succédé au Sage ; à l’Est, les Ottomans du terrible Bajazet menaçaient l’Occident : « cet arrière-petit-fils du célèbre Osman Ier, écrit B. Van Loo à propos du sultan, rêvait de transformer la basilique Saint-Pierre de Rome en écurie pour ses chevaux. » Tel père, tel fils : pour sauver la France, Philippe avait connu la défaite à Poitiers ; pour sauver la Chrétienté, Jean partit en Croisade et remporta sur les Ottomans une défaite mémorable, défaite qui lui valut la gloire et le fier surnom de « Jean sans Peur ». Fallut-il payer 100.000 florins pour sa libération et presser le peuple d’impôt ? — mais il revint dans ses terres triomphant, acclamé par la foule en liesse ! « Le fait que les deux plus grandes débâcles de leur époque, relève Van Loo, aient donné au père et au fils des surnoms aussi illustres, montre que les Bourguignons avaient très bien compris l’intérêt de la propagande. » Tout souriait donc au fils du Hardi ; son père encore vivant régnait sur le Conseil de régence, et la Bourgogne était florissante…
Ce n’est qu’en 1404, lorsque le Hardi rendit l’âme, que les choses commencèrent de se gâter. Jean sans Peur ne pouvait lutter contre Louis d’Orléans — le frère de Charles VI. Puis la frivolité du Valois l’excédait : l’argent que Philippe avait détourné pour ses grandes entreprises, le duc d’Orléans le détournait pour ses seuls plaisirs. Jean le méprisait : le séducteur avait montré à son chambellan la jambe de sa maîtresse en cachant son visage, parce qu’elle était sa femme ; on murmurait qu’il couchait avec la reine Isabeau… Mais il y avait pire : un jour, le duc de Bourgogne avait reconnu son épouse parmi les maîtresses du prince, dont il affichait les portraits dans ses appartements ! Vérité historique ou légende ? peu importe : toujours est-il que les intérêts divergents d’Orléans et de Bourgogne se changeaient peu à peu en haine réciproque, haine que l’attrait du pouvoir excitait d’autant plus. Jean sans Peur s’éloignait du trône à mesure que Louis s’en rapprochait ; sa détestation s’intensifia ; et c’est ainsi que le 23 novembre 1407, il fit assassiner son cousin en pleine rue par des hommes de main.
Stupeur !… Ce meurtre horrible plongea le royaume de France dans l’une des guerres civiles les plus effroyables de son histoire : pendant vingt-huit ans, les Armagnacs allaient combattre les Bourguignons. Mais ne confondons pas l’histoire de France et l’histoire de Bourgogne ; pour le duché des Téméraires, le conflit fut un mal pour un bien : la terre du Hardi sortirait de cette guerre considérablement renforcée (traité d’Arras), et les Plats Pays un peu plus unifiés grâce à la lieutenance de Philippe — le fils de Jean sans Peur.
Tel père tel fils, décidément : juste avant de mourir, le duc Jean devait parrainer le mariage heureux de Jacqueline de Bavière, sa nièce, et de Jean de Brabant, réunissant ainsi en un même ensemble formidable le Hainaut, la Hollande, la Zélande, le Brabant et le Limbourg.
PHILIPPE LE BON
Le fils de Jean, Philippe le Bon, négocia par intérêt le traité de Troyes qui livra la France aux Anglais, avant d’abandonner Jeanne d’Arc à ses persécuteurs ; cet odieux personnage, il faut bien le reconnaître, fut pourtant l’un des plus grands ducs de la lignée du Hardi. Par le traité d’Arras (1435) arraché au roi Charles VII, il étendait la Bourgogne et se libérait de l’emprise française. Il faisait de son duché presque un pays à part entière dans la géographie européenne, entre « les environs de Bourges et le Sud aux mains de Charles VII », et « Paris, le centre, l’Aquitaine et la Normandie à Bedford » — le régent d’Angleterre. En créant l’Ordre de la Toison d’Or à Bruges, en 1430, il concurrençait l’Étoile et la Jarretière, et défiait l’Europe : l’Ordre existe encore aujourd’hui !
À l’instar des chevaliers de l’ordre de l’Étoile fondé par son bisaïeul Jean le Bon, les membres de la Toison d’or juraient fidélité à Philippe sur le champ de bataille et en dehors. […] En se liant les hauts membres de l’aristocratie bourguignonne d’une manière tout aussi prestigieuse que personnelle, il tissait un réseau au plus haut niveau en même temps qu’il instaurait un embryon d’unité politique […].
La création de cet Ordre lui permit d’autre part d’envoyer un message clair aux autres souverains d’Europe. N’était-ce pas un beau bras d’honneur à la France et à l’Angleterre sous une profusion de brocart, de velours et de bijoux ? Si les deux grands royaumes avaient chacun leur propre ordre de chevaliers — respectivement celui de l’Etoile et celui de la Jarretière —, cela relevait de l’ordre normal des choses. Or, ne voilà-t-il pas qu’un duc se hissait au même niveau que les monarques français et anglais, sans rougir ni broncher ?
Ce geste en disait long.
(B. Van Loo, Les Téméraires, trad. D. Cunin et I. Rosselin)
Surtout, Philippe le Bon poursuivit la politique fastueuse de ses pères, propageant une image grandiose de la Bourgogne : il fut ainsi mécène de Van Eyck, Weyden ou Memling, trois artistes exceptionnels, pour ne citer que les peintres.
L’exil du fourbe héritier de France en Bourgogne, fils de Charles VII — le dauphin Louis —, allait marquer le début de la décadence. C’est à partir de ce moment que les tensions grandissantes entre Philippe et son fils Charles affaiblirent peu à peu le gouvernement du duché. En 1461, le roi de France rendait l’âme. Deux ans plus tard Philippe le Bon, appauvri, était contraint de vendre les villes de la Somme à Louis XI — son ancien protégé — pour 400.000 écus d’or. Mais pourquoi diable Philippe avait-il vendu la Somme ? — parce que le vieux duc de 67 ans espérait encore faire la Croisade afin d’arrêter l’avancée des Turcs en Bosnie ! Les Plats Pays s’alarmèrent ; les magistrats des villes hollandaises et zélandaises convoquèrent les représentants urbains des contrées septentrionales ; au même moment, Philippe convoqua les États Généraux ; tout ce monde s’assembla dans la ville de Bruges : c’était la première fois que les Plats Pays se réunissaient en un lieu unique.
En substance, la naissance des Plats Pays a donc été stimulée et accompagnée tant par le bas que par le haut de la société. L’heureux père spirituel de cette création s’appelle Philippe de Bourgogne ; les villes jouèrent le rôle de marraines.
(B. Van Loo, Les Téméraires, trad. D. Cunin et I. Rosselin)
Finalement, si les États permirent la réconciliation de Philippe et de Charles, la Croisade quant à elle n’eut jamais lieu ; Philippe s’éteint avec ses regrets, mais peut-être dans la consolation des grands projets qu’il avait accomplis pour ses terres.
CHARLES LE TEMERAIRE
Je ne voudrais pas ennuyer le lecteur, et passerai un peu plus rapidement sur Charles le Téméraire.
Il mena une politique en tout point conforme à celle de ses pères. Il lui fallut mater les révoltes des villes rebelles des Plats Pays, qui jamais n’acceptèrent l’emprise bourguignonne. Il dut composer avec les susceptibilités d’Édouard IV et de Louis XI. Vassal du roi de France, il s’imagina roi de Bourgogne, et pratiqua une politique d’expansion territoriale. Surtout, lui aussi rêva de reconstituer l’Empire de Gondebaud : la fusion de la Bourgogne et des Plats Pays en une vaste entité unie par les arts, les armes et les lois, qui ne serait vassale que du soleil et ferait trembler l’Europe.
Le Téméraire se mit à rêver à voix haute d’une couronne royale. Avant son mariage, le choix de faire confectionner une tapisserie représentant le légendaire Gondebaud dans toute sa gloire, n’avait été en rien innocent. Qui aurait pu l’arrêter ? Quoi ? Sa réputation militaire et financière parlait en sa faveur, mais aussi la Bourgogne qui ne cessait de s’étendre ; par ailleurs, l’empereur Frédéric III était prêt à discuter d’un éventuel mariage entre son fils Maximilien et la fille unique du duc, Marie de Bourgogne. […] Les cartes n’avaient jamais été aussi favorables.
(B. Van Loo, Les Téméraires, trad. D. Cunin et I. Rosselin)
La politique de mariage pratiquée par les Bourguignons depuis Philippe le Hardi avec tant d’adresse, Charles le Téméraire devait l’élever au plus haut degré. Parachèvement magnifique de la vaste stratégie d’unions matrimoniales initiée par les épousailles du Hardi et de Marguerite de Male, il conclut en 1477 — après de bien étranges péripéties ! — l’union du millénaire : celle de sa fille Marie avec le Habsbourg Maximilien, fils de Frédéric, empereur du Saint Empire romain germanique. « Personne au XVè siècle, note B. Van Loo, n’aurait pu imaginer que ces Habsbourg autrichiens donneraient des empereurs pendant près de cinq siècles et deviendraient la plus puissante maison royale européenne. » Et d’ajouter : « Sans le Téméraire, l’inouïe concrétisation de l’A.E.I.O.U. (Austria Est Imperare Orbi Universo) n’aurait jamais été possible. »
Hélas ! Malgré cette réussite éclatante, le Téméraire tenait en équilibre sur une Bourgogne fissurée : sa lourdeur le fit s’écraser. La Suisse causa sa perte : du jour au lendemain, elle déclara la guerre au puissant duc — c’est que Louis XI y déversait, en secret, de l’or à torrents. Charles se disait qu’il n’en ferait qu’une bouchée : il fut battu deux fois et perdit d’innombrables hommes ainsi que son honneur, sa confiance et sa réputation. En 1476, Nancy se rebellait : sise entre Dijon et Luxembourg, elle était le pont qui reliait la Bourgogne aux Plats Pays. Le Téméraire entreprit le siège de la ville et connut une troisième défaite. Elle serait sa dernière : on retrouva son cadavre quelques jours plus tard au bord d’un marécage, le crâne fendu, en partie dévoré par les loups.
Si Nancy fut la dernière bataille bourguignonne, on peut affirmer avec un peu de bonne volonté que Poitiers fut la première : le courage de Philippe le Hardi lui valut son surnom et le vieux duché. Son arrière-petit-fils Charles joua à Nancy non seulement sa vie, mais aussi le duché d’origine. Son surnom y reçut une lueur d’éternité. Il resterait pour toujours « le Téméraire ».
(B. Van Loo, Les Téméraires, trad. D. Cunin et I. Rosselin)
MARIE DE BOURGOGNE,
PHILIPPE LE BEAU,
CHARLES QUINT
Le cadavre du Téméraire avait à peine été reconnu que Louis XI s’emparait de la Bourgogne. En même temps Marie de Bourgogne, l’héritière de Charles, considérablement affaiblie, devait concéder aux Plats Pays le « Grand Privilège ». Cette charte, qui peut être considérée comme la première Constitution des Plats Pays, garantissait aux villes un peu plus de liberté : le vieux rêve de Gondebaud s’écroulait irrémédiablement…
C’en était fait de la prospérité bourguignonne comme de la richesse des Flandres : il semblait que les descendants du Hardi ne pourraient plus jamais rivaliser contre la France et l’Angleterre, et prétendre au titre de roi ! Comme le fait remarquer très justement Bart Van Loo, même les Plats Pays ne séduisaient plus les puissances étrangères : la terre des Bourgogne, les Pays de par-deçà, étaient devenus la vieille fille ruinée que l’on ne désire plus.
L’année de la mort de Memling, le roi de France Charles VIII traversa les Alpes, en route pour l’Italie et ses cités fortunées. Cet événement aussi en dit long. La Flandre, littéralement détruite par les combats, dut aussi s’effacer dans ce domaine. Les décennies suivantes, le roi de France, l’empereur du Saint Empire romain germanique et la nouvelle grande puissance espagnole s’affronteraient en Italie. Là où il y avait des richesses à amasser !
En soixante ans, ils ruineraient là-bas aussi la prospérité des villes.
(B. Van Loo, Les Téméraires, trad. D. Cunin et I. Rosselin)
Je m’arrêterai là. Le lecteur doit savoir que Philippe le Beau, fils de Marie de Bourgogne et de Maximilien d’Autriche, épousa Jeanne de Castille et devint ainsi roi de Castille. Par suite d’une invraisemblable série de mariages et de morts, son fils devait hériter entre autres du royaume d’Espagne, du duché de Bourgogne, des Plats Pays et du Saint Empire romain germanique, et devenir l’un des plus puissants souverains que l’Europe ait jamais connus : il s’appelait Charles, et l’histoire l’a retenu sous le nom de Charles Quint.
Les Plats Pays, unifiés par les Bourgogne, allaient se scinder plus tard entre la Belgique et les Pays-Bas… mais c’est une autre histoire.
Je ne saurais trop recommander Les Téméraires aux passionnés d’histoire. Lecture édifiante et qui rappelle à nos mémoires les grandeurs du passé ! Van Loo connaît son art : c’est un enchanteur. Avec lui, on veut croire au projet des Bourgogne : on chante leurs victoires, on pleure leurs défaites ; on est fier pour eux quand ils triomphent, et tristes quand ils s’abaissent ; on s’émerveille de leur faste extraordinaire, on tremble quand la fortune soudain les abandonne ; on jalouse leurs ambitions, on méprise leurs cruautés ; mais toujours on suit leur destinée passionnément, avec l’avidité d’un spectateur — leur cour n’était-elle pas la scène d’un immense théâtre ?… Enfin, quel bonheur ! — de croiser au passage Van Eyck, Villon, Sluter, Weyden et Memling, mais aussi Louis XI, Jeanne d’Arc et Charles VII… et puis Jean le Bon, qui en donnant la Bourgogne à son fils, planta dans la terre la graine d’une vaste épopée.
Je laisse à l’auteur le mot de la fin :
Le jour où vous vous trouverez au Louvre devant ce Jean le Bon, souvenez-vous que c’est ce personnage qui est à l’origine du présent livre. S’il n’avait pas offert la Bourgogne à son fils Philippe le Hardi, vous seriez en train de lire une tout autre histoire.
(B. Van Loo, Les Téméraires, trad. D. Cunin et I. Rosselin)
Lecture conseillée :
- Van Loo, Bart, Les Téméraires, Paris, éd. Flammarion, 2020, trad. D. Cunin et I. Rosselin