De l’esprit des lois, de Montesquieu – « Et moi aussi je suis peintre, ai-je dit avec le Corrège »

Un excellent professeur d’histoire de ma classe de quatrième présentait ainsi le temps des Lumières (je cite de mémoire, en résumant un peu) : « Diderot et d’Alembert font l’Encyclopédie. Voltaire combat l’intolérance. Montesquieu théorise la séparation des pouvoirs, et Rousseau pense la souveraineté du peuple. » J’indique ceci parce que l’on ne sait plus très bien, de nos jours, ce que fut le siècle des Lumières, quelles grandes idées il porta, ce qu’élaborèrent, même grossièrement, ses plumes qui constituent encore la gloire imprescriptible de la France à l’international. Il s’agit là d’une synthèse proprement admirable ! Peut-on mieux résumer l’idéologie éparpillée de Voltaire ? n’est-ce pas que le Rousseau du Contrat social, par ces quelques mots, se trouve parfaitement condensé ? et Montesquieu fit-il l’éloge d’une autre idée vraiment utile et concrète, dans la totalité de L’Esprit des Lois, son ouvrage phare, que celle de la séparation des pouvoirs ?

Il expose comment toutes les lois de l’Angleterre ont pour objet la protection de la liberté politique des sujets, et comment cette liberté est assurée par le mécanisme de trois pouvoirs qui se complètent, se contiennent, s’équilibrent et marchent ensemble, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Il rêverait quelque chose de pareil en France.
(Histoire de la littérature française, G. Lanson)

Pas d’autre idée vraiment utile et concrète dans la totalité de L’Esprit des Lois ? L’on m’estimera un peu dur, peut-être ; mais quoi, Mme du Deffand, ou peut-être Voltaire, se moquant du style tout en pointes et bons mots de l’auteur, disait que cet Esprit des lois était bien plutôt de l’esprit sur les lois : Gustave Lanson « désespérait » d’y trouver un ordre ; et Roger Caillois n’était pas plus tendre dans son jugement sur la grande œuvre du philosophe :

La composition de cette encyclopédie est obscure, les erreurs de toutes sortes y abondent : confusion d’époques, de peuples ou de personnes ; documents mal critiqués, mal traduits, mal interprétés ; trop de désinvolture s’y mêle à trop d’érudition ; de téméraires hypothèses qu’il faut se forcer pour consentir succèdent à des enquêtes méticuleuses dont on aperçoit mal la portée.
(« Préface » de Roger Caillois, in Œuvres complètes de Montesquieu, coll. « Pléiade »)

« Les recherches nouvelles, ajoute Caillois quelques lignes plus loin, n’ont cessé d’infirmer » les « premières analyses » de Montesquieu ; et sa documentation, sur un certain nombre de sujets, s’est révélée « hâtive, insuffisante, contestable » ; Jean d’Ormesson aussi relève cruellement, dans son Autre histoire de la littérature française, les sources déficientes. Quel est l’intérêt, donc, de cet étrange monstre qu’est L’Esprit des lois, et pour quelle raison, se demandera-t-on légitimement, est-il resté si fameux dans l’histoire ? C’est qu’on y trouvera tous les défauts, sans doute, il n’empêche : cette façon nouvelle d’analyser la société de l’extérieur, de l’expliquer par des données objectives afin de la mieux comprendre à défaut de l’excuser, a constitué à son époque une véritable « révolution sociologique » :

[Son] œuvre entière annonce, commente, reprend ou complète l’Esprit des Lois. […] il fallait avoir écrit d’abord les Lettres Persanes, c’est-à-dire avoir accompli pour soi-même la révolution sociologique, et avoir mis les autres en condition de l’accomplir à leur tour. J’appelle ici révolution sociologique la démarche de l’esprit qui consiste à se feindre étranger à la société où l’on vit, à la regarder du dehors et comme si on la voyait pour la première fois.
(« Préface » de Roger Caillois, in Œuvres complètes de Montesquieu, coll. « Pléiade »)

Cette démarche, relève R. Caillois, de considérer la société dans laquelle on vit de l’extérieur, tel un étranger, peut s’avérer dangereuse en vérité ; car elle revient à se désolidariser de celle-ci, à questionner les fondements « de ces choses discrètes qui en maintiennent la cohésion », et à les affaiblir, en les dévoilant. Ainsi, s’il n’y avait eu les Lois, les Persanes fussent demeurées satire sociale ; mais ces Lettres, L’Esprit les « change en une sorte d’exercice préliminaire » au développement d’une pensée pouvant mener à des conclusions fatales. La Révolution, à ce propos, n’oubliera pas Montesquieu : d’abord quand elle abolira les privilèges (sceau de l’honneur selon lui, principe de la monarchie), ensuite quand elle constitutionnalisera la séparation des pouvoirs, enfin quand elle instaurera, — hélas ! —, le culte de la vertu, principe des gouvernements républicains (Livre II, chap. II).

Il avait averti pourtant que la contrainte ne sert jamais à développer la liberté. Il avait aussi dénoncé les dangers de l’esprit d’égalité extrême — celui qui se répand lorsque chacun, voulant être l’égal de ceux qu’il a choisis pour lui commander, ne souffre plus personne pour maître au lieu de ne souffrir pour maîtres que des égaux. Il avait enfin annoncé un gouvernement militaire pour le jour où l’armée dépendrait uniquement du corps législatif. Et ce fut Bonaparte.
(« Préface » de Roger Caillois, in Œuvres complètes de Montesquieu, coll. « Pléiade »)

C’est un comble que les révolutionnaires aient usé de Montesquieu pour élaborer leurs constitutions toutes rationnelles — que de Maistre justement critiquait tant —, alors même que ce qui distingue précisément le baron de ses pairs philosophes, tient dans l’ajout d’une dose d’empirisme au rationalisme dominant des Lumières. Montesquieu emploie largement, en effet, « la méthode d’observation » (G. Lanson), et se veut plus volontiers inductif que déductif. « Le goût du naturalisme, résume Jean d’Ormesson, du déterminisme scientifique se conjugue chez lui avec le rationalisme juridique, et l’emporte en fin de compte. » En fait, le rationalisme philosophique prégnant de son siècle, auquel il ne peut échapper totalement, non seulement freine en quelque sorte le plein développement de sa méthode, mais le conduit même à des excès regrettables ; là où il eût dû maintenir la constance de son observation, la détailler mieux, s’y arrêter plus longuement afin de déterminer, d’un nombre maximum d’éléments, l’unique sève qui les nourrit tous, il généralise trop vite, et trop tôt : sa raison s’en trouve biaisée. « Il estime, écrit G. Lanson, avoir le droit de généraliser sur une seule observation : il en résulte qu’il fait entrer dans la formule de ses lois toute sorte d’accidents et de localisations. » Je ne m’étendrai pas ; mais il y a bien de l’audace à comparer d’égale manière les coutumes de Bornéo et les lois anglaises, Berne et Rome ; et presque à chaque page, le lecteur est frappé par la petitesse de ses exemples, comparée à la grandeur des principes qu’il en tire.

L’Esprit des lois, je le disais donc, constitue une révolution, par la manière propre à l’auteur d’observer les lois systématiquement à la façon d’un étranger (même celles de la société dans laquelle il vit), et loin de s’en moquer ou de les condamner, de chercher à en comprendre la logique par des données objectives. Montesquieu, pour le dire en un mot, est le premier à avoir tenté d’expliquer la législation des peuples par des facteurs extérieurs concrets, l’histoire, le climat, le régime politique, mais aussi les mœurs particulières pouvant résulter d’une certaine géographie, ou encore la taille des territoires ; je rappellerai ici le titre complet de l’ouvrage : De l’esprit des lois, ou du rapport que les lois doivent avoir avec la constitution de chaque gouvernement, les mœurs, le climat, la religion, le commerce, etc. Énorme ambition que cette entreprise, et quelle arduité ! — car ce n’est rien d’autre qu’une préfiguration de la méthode positiviste, la plus exigeante, la plus difficile des sciences sociales, la plus efficace également. De là certaines erreurs, mais aussi, et surtout, nombre d’intuitions justes éternellement, tels les rapports faits entre le commerce et la guerre et la paix, ou entre la fidélité des personnes et l’hérédité des biens. Les sentences conclusives tombent de sa plume comme des couperets régulièrement, et presque toujours, raisonnent pareilles à des apophtegmes : « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » ; « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » ; « la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent » ; « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la force des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Autant de principes à méditer.

J’évoquais à l’instant le positivisme : en deux mots, c’est l’histoire globale. Rien, dans l’esprit des positivistes, n’arrive soudainement ni par hasard, tout s’explique par l’analyse des données fourmillantes ; c’est Tocqueville, c’est Taine, pour qui 1789 fut la continuité logique de l’esprit du siècle ; c’est Montesquieu, pour qui la chute de la République romaine était inévitable. La Révolution ? César ? ne furent que des circonstances qui brusquèrent l’inévitable. Le positivisme est l’histoire globale, c’est-à-dire l’histoire analysée par les causes des conséquences et par les causes des causes des conséquences, et ainsi de suite. Le hasard est ici réduit à peau de chagrin ; la logique détrône l’accidentel. L’histoire étudiée de cette façon paraît un arbre, avec des racines, un tronc, des ramifications, le tout lié en un ensemble unique et vaste. On connaît la passion de Taine pour les métaphores végétales, et le fameux platane des Invalides sur lequel Barrès le montrait s’extasiant, dans Les Déracinés. Or, Roger Caillois, volontairement ou non, compare justement l’œuvre de Montesquieu à une ramification :

… l’arbre le plus confus, le plus mal équilibré du monde, un arbre presque monstrueux, à l’aspect déconcertant et qui ne se ressemble pas toujours, mais arbre malgré tout, que parcourt une même sève et qui a grandi au petit bonheur suivant la loi de tous les arbres. On voit ce que je veux dire : il y a des auteurs dont les ouvrages forment autant de chefs-d’œuvre séparés […]. D’autres œuvres, au contraire, sont continues : il semble qu’elles n’ont pas cessé de croître et de proliférer à leur gré durant la vie entière de l’écrivain, obéissant plutôt à leur nature qu’à leur volonté. De temps en temps, quelque ouvrage s’épaissit, s’organise à part et se détache de l’ensemble.
(« Préface » de Roger Caillois, in Œuvres complètes de Montesquieu, coll. « Pléiade »)

Montesquieu empiriste, donc, et précurseur du positivisme, par la « syntaxe » qu’il fait des connexions des lois et de leur contexte. S’il fallait user encore du jargon philosophique, j’ajouterais, un peu anachroniquement peut-être, Montesquieu déterministe — car qu’est-ce que le déterminisme, sinon la suite logique de l’empirisme et du positivisme ? « L’homme, écrit R. Caillois en évoquant le système du baron de La Brède, est condamné à demeurer esclaves de déterminations, les unes fixes, les autres variables, dont la somme toujours impérieuse trace d’avance fort strictement les limites de son action. » Tel de Maistre (j’ose la comparaison, elle choquera : Montesquieu n’a-t-il pas écrit : « Je suis homme avant d’être Français » ?), l’auteur des Lettres persanes, en dépit de ce qu’on a voulu lui faire dire, appartient indéniablement à cette vaste catégorie de penseurs qui ne considèrent point les constitutions comme des choses abstraites, mais très concrètes au contraire, les nations non comme des contrats d’hommes, mais comme des identités propres, résultantes complexes de facteurs supérieurs indénombrables. On argumenterait contradictoirement, certes, que s’il relie les lois « à la nature des choses » particulières à chaque société, il ne les croit pas fatales cependant, et « pense que la politique peut les combattre » (R. Caillois) : mais à quel prix ! — « la politique, précise-t-il aussitôt, est une lime sourde qui use et qui parvient lentement à sa fin. »

Montesquieu eût été horrifié par la tentative des révolutionnaires de faire table rase du passé, et d’établir une constitution sur des bases nouvelles ; il croit moins à la possibilité d’un renouveau salutaire, qu’au poids énorme de l’histoire et au danger de l’annihiler tout d’un coup ; pessimiste sur l’homme d’ailleurs, il se veut réaliste sur sa nature profonde, et ne lui accorde aucune confiance pour faire le bien ab nihilo, en dehors de cadres nécessaires. Rousseau croyait l’homme bon par nature, corrompu par la société ; Montesquieu affirmerait plutôt l’homme orgueilleux, vaniteux, mauvais par amour-propre, inconsciemment ou à dessein, heureusement corrigé par un bon équilibre des lois qui le commandent, la monarchie libérale étant une forme assez idéale de société garantissant cet équilibre. « Il connaît, pour reprendre l’expression de R. Caillois, tous les ressorts bouffons et hideux de la comédie humaine. » Cela toutefois serait encore à nuancer, mais nous quitterions alors la stricte analyse de L’Esprit des Lois ; je me contenterai par conséquent de renvoyer le lecteur au développement de R. Caillois sur cette question (pp. XXVIII-XIX et suiv.) — parmi d’autres choses, il y verra comment, par un étrange renversement, Montesquieu analyse moins le mal tel l’exercice d’un vice qui se drape faussement, avec conscience ou non, du déguisement d’une vertu, que tel l’exercice sincère ou par amour-propre de la vertu, qui amène à des conséquences mauvaises. En clair : l’homme peut être vertueux, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Par un malheur attaché à la condition humaine, les grands hommes modérés sont rares ; et, comme il est toujours plus aisé de suivre sa force que de l’arrêter, peut-être, dans la classe des gens supérieurs, est-il plus facile de trouver des gens extrêmement vertueux que des hommes extrêmement sages. L’âme goûte tant de délices à dominer les autres âmes ; ceux mêmes qui aiment le bien s’aiment si fort eux-mêmes, qu’il n’y a personne qui ne soit assez malheureux pour avoir encore à se défier de ses bonnes intentions : et, en vérité, nos actions tiennent à tant de choses, qu’il est mille fois plus aisé de faire le bien que de le bien faire.
(De l’esprit des lois, Montesquieu — cité par R. Caillois)

Le lecteur est peut-être confus, à cause de la densité et d’un certain désordre de cet article ; Montesquieu ne l’est pas moins, dense et désordonné. Je résume, donc, puis je conclus.
De l’esprit des lois est l’ouvrage phare de Montesquieu. Le philosophe commence par y donner une définition toute déterministe des lois : elles sont « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses » ; puis il détaille ces « choses » d’où dérivent les lois : la forme du gouvernement d’abord, monarchique, tyrannique ou républicain, dont les ressorts principaux, respectivement l’honneur, la crainte et la vertu, commandent l’élaboration de législations différentes ; poursuivant sur cette lancée, il explique la manière dont le climat, la géographie, le commerce, la religion, et d’autres choses encore, font varier les systèmes législatifs, et cherche à en tirer des maximes générales : de ce qui est et de ce qui a été, il cherche à déterminer ce qui est bon à faire et ce qui est mauvais à faire ; une coutume paraît-elle saugrenue ? il l’explique par tel facteur extérieur déterminant, on la comprend ; une loi ignore l’histoire, la géographie, les mœurs d’un peuple ? elle aura toutes les chances d’avoir les effets les plus néfastes. Un peu déterministe, un peu positiviste, Montesquieu tempère d’empirisme un siècle rationaliste.

 

Conclusion

Il aura fallu vingt ans au philosophe pour achever son ouvrage majeur.

J’ai bien des fois commencé, et bien des fois abandonné cet ouvrage ; j’ai mille fois envoyé aux vents les feuilles que j’avais écrites ; je sentais tous les jours les mains paternelles tomber ; je suivais mon objet sans former de dessein ; je ne connaissais ni les règles ni les exceptions ; je ne trouvais la vérité que pour la perdre. Mais, quand j’ai découvert mes principes, tout ce que je cherchais est venu à moi ; et, dans le cours de vingt années, j’ai vu mon ouvrage commencer, croître, s’avancer et finir.
(De l’esprit des lois, Montesquieu)

La production de Montesquieu, observe R. Caillois, paraît éclectique au premier abord (essais, romans, contes, drames, comptes rendus d’expériences, traités d’économie, de science, de sociologie, etc.) ; que l’on ne s’y trompe pas ! il tire toujours de ses recherches variées des conclusions qu’il rassemble, et finit par fondre au sein d’ouvrages totaux – parmi lesquels L’Esprit des lois. « Montesquieu, écrivait déjà G. Lanson, a l’habitude de se mettre tout entier dans chacun de ses livres ; il ne sait pas réserver une partie de sa pensée. » Le philosophe d’ailleurs, curieux de tout, couvre ses cahiers d’encre noire, et multiplie les livres. Il suffit de feuilleter ses Œuvres complètes pour avoir une idée de l’abondance de sa production : c’est stupéfiant !

Il note […] les […] remarques de l’administrateur qui revient du Canada, du missionnaire qui débarque de Chine, du ministre et de l’ambassadeur, du fermier général, du soldat et du publiciste. Parcourant l’Europe, […] il descend dans les mines, visite les manufactures, les ports et les chantiers. Il se fait expliquer comment fonctionnent les institutions, se renseigne sur le système des impôts, sur les épidémies et sur les mesures prises pour les combattre, sur les mœurs et les préjugés, sur la vie littéraire et sur les spectacles, sur la mode, sur l’état de l’agriculture et la misère du peuple. Rentré chez lui, il s’intéresse à la culture de la vigne, […] administre personnellement son domaine, tout en découpant dans les journaux des nouvelles de toute espèce […]. Il recopie des passages qui l’ont frappé dans les livres qu’il lit […].
(« Préface » de Roger Caillois, in Œuvres complètes de Montesquieu, coll. « Pléiade »)

Ses notes bientôt se changent en pensées, ses pensées en théories, ses théories en ouvrages : Montesquieu est un formidable alambic. « Dans ces conditions, écrit R. Caillois, il devient difficile d’opposer l’auteur des Lettres Persanes à celui de l’Esprit des Lois : un homme d’une extrême perspicacité, en proie à une curiosité universelle et, d’autre part, d’une très grande bonté, amassait chaque jour son butin et, le moment venu, l’accommodait hardiment à ses besoins. » Et Faguet, lui, n’hésitait pas à qualifier l’Esprit des Lois d’existence, et même de « vie intellectuelle tout entière ». Le lecteur curieux, à ce sujet, lira les pages de Lanson sur Montesquieu ; il analyse parallèlement les périodes distinctes de la vie de Montesquieu et l’Esprit des lois, et montre admirablement comment les premières se retrouvent, en couches superposées, dans l’œuvre du philosophe.

J’ai qualifié Montesquieu successivement d’empiriste, de positiviste, de déterministe et de pessimiste ; je ne crois pas l’avoir qualifié d’humaniste. Pourtant cet être supérieurement intelligent devait bien être de la race de Gargantua, assoiffé de savoir, affamé de connoissances, tenant l’homme pour une valeur suprême. L’épaisseur de sa production, son éclectisme surtout, confondent. Et sa plume aussi, ce style admirable, ternaire, direct et clair excessivement, du plus pur classicisme, qui plaisait tant à Flaubert !

Le mot de la fin pour Jean d’Ormesson :

Au confluent de la littérature, de la culture juridique et de la science expérimentale, étranger à toute théologie et à toute transcendance, moins religieux encore que les athées qui au moins s’occupent de Dieu, ne serait-ce que pour le nier, philosophe du cours des choses et de la marche du temps, héritier à la fois de Bossuet et des libertins, aristocrate et moraliste politique, Montesquieu reste un grand nom de la pensée historique et sociale : « Je puis dire que j’y ai passé ma vie. Au sortir du collège, on me mit dans les mains des livres de droit ; j’en ai cherché l’esprit. »
(Une autre histoire de la littérature française, Jean d’Ormesson)

 

Lecture conseillée :

  • Montesquieu, Œuvres complètes (deux tomes), Paris, éd. Gallimard, coll. « Pléiade », 1949 et 1951.

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