Pour le salut de la nation, Emmanuel Macron doit démissionner

Article paru dans Causeur le 10 octobre 2025

 

« On pardonne volontiers à celui qui brusque l’occasion, disait Talleyrand, jamais à celui qui la manque. » Nul ne tiendra rigueur au Président de la République de sa campagne inattendue de 2017, dans laquelle il fit preuve d’une certaine audace, et qui put convaincre à l’époque assez de Français pour qu’ils se rassemblent en un grand mouvement plein d’espoir. Ce que l’histoire ne lui pardonnera pas, en revanche, ce sont ses atermoiements puérils pour ne pas démissionner, sa manière qu’il a de s’accrocher coûte que coûte aux bras de son fauteuil, à les déchirer. Son irresponsabilité, en somme, lui qui ne cessait d’appeler à la responsabilité citoyenne pendant la crise du covid, et se permettait même d’emmerder les non-vaccinés. C’est décidément une habitude de la macronie, de donner des leçons à tout le monde sans jamais les appliquer à soi-même.

Aujourd’hui, la France entière supplie Emmanuel Macron de démissionner. La dissolution ratée de 2024 empêche tout gouvernement alors même que le pays est au plus mal, après huit ans de politique désastreuse. La crise économique nous guette ; les commerces ferment les uns après les autres ; Zucman fait figure de prophète, bientôt on votera l’emprunt forcé aux riches, on se croirait revenu au temps du Directoire. Et cependant Macron, tel Barras, intrigue avec les assemblées pour se maintenir absolument. Le pire est que sans doute il se croit sincère : car, pétri d’idéologie, il s’imagine comme un roc élevé entre la bordélisation et la bardellisation, un centre modéré tenant ferme contre les assauts des extrémismes de tous bords. Hélas, si Victor Hugo, l’homme-océan, pouvait se donner des airs de récif dans Les Travailleurs de la mer, Macron, lui, a depuis longtemps perdu le droit de s’élever si haut : du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas.

Quand 70 % des Français appellent à sa démission, lui, dans sa novlangue insupportable, laisse quarante-huit heures à son Premier ministre pour « définir une plateforme d’action et de stabilité » ; il gagne du temps : après, il nommera un Premier ministre de gauche ; après, il dissoudra l’assemblée. Et cependant le pays, par l’inconscience d’un seul homme, restera bloqué dans sa chute. Déjà, la Cour des comptes craint « un effet boule de neige » de la dette ; Pierre Moscovici évoque une « crise politique et démocratique sans précédent » ; Jean-Luc Mélenchon peut l’accuser de semer le chaos (!) ; le duc d’Anjou, publiant une tribune, craint, le sourire aux lèvres, l’effondrement de la République ; même Édouard Philippe appelle à sa démission : quelle tristesse !…

Que le Président de la République démissionne, donc, par dignité, si ce n’est par responsabilité. Certes, les institutions de la Cinquième l’autorisent à demeurer en poste jusqu’au bout : Michel Debré pouvait-il prévoir le retour d’un Barras au pouvoir ? — l’histoire est tragique ! Mais il écrivait la Constitution et De Gaulle lui tenait la plume : et si le général eut le bon goût de démissionner, c’est parce qu’il savait, justement, que rien ne l’y pouvait contraindre, dans ce système qu’il avait voulu d’un exécutif puissant. Emmanuel Macron ferait bien de s’en rappeler et de s’en inspirer : il y va maintenant du salut de la nation.

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