Charles Maurras, le monarchiste national-fédéral

Dessin de Charles Maurras, 1892.
Dessin de Charles Maurras, 1892.

Maurras est pris de travers ; il est mal compris, parce qu’il n’est pas lu. L’on s’en fait l’image d’un monarchiste absolutiste en retard de cent ans sur sa modernité, au rêve un peu absurde, et beaucoup trop daté, de remplacer la Troisième République par Louis XIV, alors même qu’il recommande l’exact contraire : comme l’écrit Martin Motte, il préconise « une réorganisation de la France selon une triple norme, républicaine à l’échelle municipale, fédérale à l’échelle provinciale et monarchique à l’échelle nationale. » Monarchiste, donc, mais certainement pas absolutiste, ni centralisateur. Maurras n’est d’ailleurs pas toujours tendre avec l’absolutisme royal, qu’il voit, répondant en cela d’un bel écho aux démonstrations de Tocqueville, Taine, et Bainville, comme le triomphe de la centralisation étatique, continuée par la Révolution, puis par les empires bonapartistes, et les républiques.

Avant le régime inauguré par Louis XIV, que son dernier descendant direct, le comte de Chambord, appelait et non sans finesse le premier des Napoléons, il y eut une France fédérative florissante et dont les coutumes et les institutions se prolongèrent en Bourgogne, en Bretagne, en Provence, en Languedoc et en Béarn, jusqu’à la Révolution.
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

Est-ce à dire que Maurras fut séparatiste ? Ce serait oublier que loin de croire à l’hypothèse, qu’il juge impossible, d’une division de la France, il célèbre au contraire, à l’image de son maître Mistral, le rattachement des provinces à la « grande France », et vante l’unité dans la diversité, ou, pour le dire mieux, l’unité de la diversité – car l’une implique nécessairement l’autre : l’on ne fait pas d’unité sans diversité, sauf à vouloir détruire les diversités, comme le veulent faire les partisans modernes du « village mondial ».
L’on a également pu se faire de Maurras l’image d’un antisémite violent, et raciste. S’il ne faut pas nier ses outrances verbales, sauf à verser dans la mauvaise foi, il faut toutefois nuancer. Oui, Maurras fut violent dans les paroles : comme, du reste, l’ensemble de la société d’alors.

Les circonstances firent naître et grandir Maurras aux avant-postes d’une guerre idéologique commencée bien avant lui et dont il subit la violence verbale autant qu’il l’infligea. L’appel au meurtre y était chose banale : si le nationaliste Péguy parlait en 1913 de « fusiller Jaurès », le communiste Aragon, en 1931, n’hésitait pas à écrire « Feu sur Blum ». Les socialistes n’étaient pas en reste, à preuve cet extrait du Populaire, journal dont Blum était le directeur politique, en date du 1er novembre 1935 : « Que sonne l’heure de la mobilisation et avant de partir pour la route glorieuse de leur destin, les mobilisés abattront MM. Béraud et Maurras comme des chiens. »
(« La pensée politique de Maurras », M. Motte, in C. Maurras, L’Avenir de l’intelligence, et autres textes, Paris, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2018)

Oui, Maurras fut raciste. Mais sur ce point précis, il nous faut également citer Martin Motte :

À Maurras, on reproche également un ethnocentrisme aujourd’hui interprété comme du racisme. Mais là encore, son cas n’était nullement isolé ni cantonné à l’extrême droite. « Les Nègres sont bien moins intelligents que les Chinois, et surtout que les Blancs », si évolués qu’ils menacent de « subjuguer toutes les races inférieures » : ces lignes ne sont pas de Maurras, mais du même Paul Bert que nous avons entendu assimiler le « cléricalisme » au phylloxera [parasite mortel de la vigne]. Les défenseurs de Bert font valoir qu’il croyait au développement desdites races par l’instruction ; son propos était donc culturaliste, non raciste. Si l’argument vaut pour lui, a fortiori vaut-il pour Maurras, qui récusa dès sa jeunesse toute hiérarchisation des peuples fondée sur des arguments biologiques.
(« La pensée politique de Maurras », M. Motte, in C. Maurras, L’Avenir de l’intelligence, et autres textes, Paris, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2018)

Oui, Maurras fut antisémite, et tint des propos que, naturellement, l’on peine à excuser aujourd’hui ; il convient cependant de préciser, par honnêteté intellectuelle, que, « comme l’a montré Raoul Girardet, les mythes du complot maçonnique et du complot juif, chers à la droite, furent les pendants d’un mythe de gauche, celui du complot jésuite » (M. Motte). Ne soyons toutefois pas dupes ; Maurras, assurément, n’a pas toujours bien saisi la portée de ses mots ; et cet admirateur de Voltaire, également farouchement antisémite, s’est sans doute un peu trop facilement laissé aller à voir « en tous les Juifs ou presque les acteurs d’une conjuration antinationale » (M. Motte). Prenons garde, cependant, à ne pas occulter la vérité, au nom d’une vision de l’histoire un peu trop simpliste :

Quoi qu’il en soit, la déportation des Juifs français ou réfugiés en France pendant la Seconde Guerre mondiale résulta du désastre de 1940, lequel n’aurait peut-être pas eu lieu si les Français avaient résisté aux sirènes pacifistes dans l’entre-deux-guerres. Or, qui plus que Maurras avait combattu ces sirènes ? Et qui plus que lui avait dénoncé la terrible nocivité des institutions parlementaires pour la cohésion morale, la politique étrangère et la défense de la France ?
(« La pensée politique de Maurras », M. Motte, in C. Maurras, L’Avenir de l’intelligence, et autres textes, Paris, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2018)

Un homme complexe, donc, que Charles Maurras, avec une pensée complexe. Cette pensée, il a eu l’occasion de la développer à maintes reprises. Ses principaux textes politiques ont été réunis en 2018 par la collection « Bouquins » des éditions Robert Laffont : nous en donnons ici un aperçu.

1. L’idée de la décentralisation

Maurras entre en politique en 1890 « sous la bannière du fédéralisme » (M. Motte). Favorable aux provinces d’Ancien Régime abolies par la Révolution jacobine, il croit à l’unité dans la diversité. Il constate : les révolutions n’ont cessé de s’enchaîner depuis la Révolution, et son dogme de la cohérence administrative ; et il conclut : « Cette fausse cohérence administrative n’est pas un élément de stabilité politique. »
L’abandon de la centralisation risque-t-il de conduire au séparatisme ? Maurras répond que, d’une part, fédéralisme ne signifie nullement absence d’État :

Aucun fédéraliste, si extrême qu’il soit, ne songe à décentraliser les administrations de la Guerre, de la Marine ou des Affaires étrangères. Tous les fédéralistes laissent ces actions nationales aux organes de la nation. Ils reconnaissent de plus à l’État central un pouvoir de contrôle sur tout le reste. Ce qu’ils lui refusent, c’est l’action directe et personnelle dans la gestion des intérêts qui ne sont pas communs à tout le corps de la nation, mais bien particuliers aux municipalités, aux régions.
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

Et d’autre part, qu’il ne faudrait pas, par idéologie, manquer de confiance en nos siècles d’histoire commune. Il écrit que notre pays est plus « un » qu’on ne le pense.

Quel fédéraliste […] a rêvé d’une Commune close, ou d’une Province bouchée aux bruits extérieurs ?
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

Et il ajoute, montrant qu’il n’est en rien un théoricien du repli sur soi :

Le commerce des peuples, le rapprochement des pays, dans des conditions normales, ne peuvent que rendre chaque patrie particulière plus agréable à son habitant, étant accrue, aidée, embellie d’apports étrangers.
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

À propos du fédéralisme, ou de la décentralisation – comme il préférera le nommer plus tard – toute la pensée de Maurras tient dans cette phrase : « L’harmonie désirée du monde ne peut donc consister qu’en un ordre meilleur des variétés existantes, nullement en leur suppression. » Il précise :

Voici une très belle chose sous un très méchant mot. On appelle « décentralisation » un ensemble de réformes destinées à reconstituer la patrie, à lui refaire une tête libre et un corps vigoureux.
Un tel nom a l’aspect d’une véritable antiphrase :
– de forme négative, il est essentiellement positif ;
– critique, il signifie un regain de vie organique ;
– d’allures anarchiques ou du moins libérales, il enferme l’idée d’un ordre ;
– enfin, par la composition comme par le nombre et le poids des syllabes, il semble désigner quelque système artificiel, lorsqu’il annonce la doctrine du retour à nos lois naturelles et historiques.
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

Maurras pense qu’une « autorité permanente », et même un « pouvoir central durable, responsable et fort », ne pourront être rétablis qu’au moyen de « libertés locales très étendues. » Il est en cela très proche de la pensée d’Auguste Comte, le philosophe du positivisme, dont la lecture l’a durablement marqué.

N’oublions pas qu’Auguste Comte, qui expirait en 1857, avait recommandé dans le Système de politique positive l’abolition du département, la constitution de dix-sept grandes provinces, l’érection de Paris en « métropole occidentale » et l’affranchissement du reste de la France dans ses rapports avec cette capitale oppressive.
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

Maurras ne cite pas que Comte à l’appui de ses idées. Il invoque tour à tour Proudhon, Taine, Le Play, La Tour du Pin et Maurice Barrès, théoricien de la « terre et des morts » (« Les exposés de M. Maurice Barrès ont fait sentir que le parti fédéraliste était le parti national, et que le parti national perdrait les trois quarts de ses forces s’il ne devenait un parti fédéraliste »).

On peut aller au fédéralisme via Comte ou via Proudhon, via Tocqueville ou via Le Play. Essentiellement, il consiste en un certain régime qui se retrouve à quelque degré dans la constitution des États-Unis d’Amérique et dans celle de l’Empire d’Allemagne, dans le pacte Helvétique et dans le compromis Austro-hongrois. L’Autriche-Hongrie est une monarchie dualiste parlementaire ; l’Allemagne, un empire féodal ; la Suisse, une « démocratie historique » ; les États-Unis, une démocratie individualiste, mais de formation religieuse ; pourtant ces quatre États si divers se ressemblent en ce point précis qu’ils sont eux-mêmes composés d’éléments territoriaux autonomes et jouissent de libertés locales fort étendues. Le fédéralisme, c’est donc essentiellement la doctrine de l’autonomie et de l’autonomie locale ou tout au moins ethnique. Son facteur principal est moins la volonté des hommes que leurs intérêts et leurs caractères de l’ordre économique et historique ; on peut fonder une autonomie de ce genre sur les doctrines philosophiques et politiques les plus opposées.
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

Maurras recommande, en tout premier lieu, l’abandon du département qui fait fi des cultures communes, des hommes et de l’histoire, au profit de la création de grandes régions économiques délimitées selon les frontières qu’elles tiennent de la nature.

Communauté et différences de notre sol, communauté et différences de notre sang, c’est ce qui fonde cet esprit fédéral et ce sentiment national sans lesquels toute décentralisation serait incompréhensible.
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

Il est pour, en revanche, la conservation de la commune :

Sans doute les communes, étant des personnes complètes, de vraies unités politiques, sont capables d’autant de mal que de bien ; et leur rendre immédiatement et d’un seul coup de pleins pouvoirs sur elles-mêmes serait une grande folie. N’empêche que c’est elles, nos premières réalités politiques ou, si l’on préfère, sociales, que l’on doive développer si l’on croit à la bienfaisance de l’action locale.
(L’idée de la décentralisation, C. Maurras)

Maurras, en un mot, pourrait être qualifié de monarchiste national-fédéral. Il est, d’abord et avant tout, contre la centralisation outrancière, qui résulte moins d’une volonté d’unité, que d’une volonté d’effacement de toute distinction par égalitarisme forcené. Il voit dans le jacobinisme un frein puissant à l’efficacité nationale, et en fait même la cause de notre désastre de 1870. Il écrit, pour conclure : « Négligent des grandes affaires et trop soucieux des petites, cet État centralisateur pousse la France à l’anarchisme et la détache de toute idée de patrie. »

2. L’Étang de Berre

Dans L’Étang de Berre, écrit en 1915, Charles Maurras précise sa pensée quant à la démocratie –

Il n’y a qu’un remède à ce mal des partis, générateur de haines énervantes et appauvrissantes. C’est la suppression du gouvernement des partis. C’est le retour à nos libertés véritables.
(L’Étang de Berre, C. Maurras)

– et à sa propre orientation politique :

C’est […] en feuilletant les vieux registres des archives municipales, […] que je me suis senti être définitivement ce que j’avais toujours été : républicain municipal, fédéraliste provincial et, pour la direction de la Patrie française, non moins passionnément royaliste…
(L’Étang de Berre, C. Maurras)

Pour Charles Maurras, il n’y a rien de plus injuste que de renvoyer l’Ancien Régime aux privations, et la république aux libertés, puisque c’est précisément la seconde qui n’a cessé d’ôter aux citoyens leurs prérogatives (corporations, régionalismes), jusqu’à n’en faire plus que de dociles administrés.

Les historiens officiels terminent à 1789 la période de l’asservissement des Français. Ils ouvrent à 1789 la période de leur liberté. Si j’en dois juger par les fastes de notre république municipale, il nous faut renverser cette proposition. L’histoire officielle ment. La liberté concrète fut pour nous dans l’Ancien Régime et la servitude concrète date le Nouveau. Depuis l’an VIII [1799], nous ne sommes plus citoyens ; nous sommes administrés.
(L’Étang de Berre, C. Maurras)

Certes, nous pouvons voter, mais cette fausse liberté, outre le fait qu’elle est largement biaisée par les puissances d’argent (lire L’Avenir de l’intelligence), est parfaitement inutile, puisqu’elle n’intéresse en rien nos quotidiens. Les affaires propres de la commune, qui intéressent bien plus volontiers les citoyens, sont devenues des sujets interdits ; et les maires eux-mêmes doivent désormais sans cesse référer au préfet, cet agent du pouvoir central, qui est devenu le véritable maire de la commune.

Je ne dirai jamais : Vive la République ! mais, à la bonne heure : Vivent les républiques ! si elles sont groupées sous leur chef naturel et rationnel, le roi de France.
Veuillot n’inventait rien en 1871 quand il proposait de nommer le comte de Chambord protecteur des républiques françaises, le grand écrivain ne faisait que traduire et analyser la formule de notre ancien droit politique : sub rege respublica [sous le roi, la république]. Le singulier latin vaut notre pluriel français. Le mot français au singulier n’a point de sens ou bien il signifie l’État, donc le Roi. Qu’est-ce donc, sans le Roi, que la République française, dite une et indivisible ? Une folie, et misérable ; une sottise, et presque obscène : l’émiettement et la discontinuité au sommet du pouvoir central ! Mais les républiques françaises correspondent à cette immense variété de sols et de climats, de provinces, de villes, de compagnies, d’associations et de mœurs qui composent l’idée réelle de la France physique et mentale, morale et politique.
(L’Étang de Berre, C. Maurras)

Maurras est un localiste. S’il réclame le retour du roi, ce n’est pas par esprit autoritaire, au contraire : c’est pour qu’il y ait, à la tête de la France plurielle, somme de cultures, une figure d’unité, chargée de rassembler toutes les différences qui composent la France, et qui sont la France.

Mais comment voulez-vous renverser l’odieuse constitution anarchique, ploutocratique, démocratique, cosmopolite […] sans l’aide d’un pouvoir personnel vigoureux ?
Et comment ce pouvoir serait-il vigoureux s’il n’était permanent ?
Et comment serait-il permanent s’il n’écartait la compétition ?
Et comment l’écarterait-il, s’il n’était fondé sur autre chose que l’élection ?
Et, hors de l’élection, y a-t-il autre chose que l’hérédité ou le sort ?
Et le sort n’est-il pas infiniment plus périlleux que l’hérédité ?
Et, cette hérédité admise, une autre famille que la famille capétienne peut-elle en bénéficier ?
On ne peut balancer entre cette race d’admirables constituants et les deux destructeurs napoléoniens, qui ont l’un et l’autre laissé la France plus petite qu’ils ne l’avaient reçue.
(L’Étang de Berre, C. Maurras)

L’auteur reprend à son compte la formule du comte de Paris : « La Commune libre dans l’État libre. » Et il ajoute :

Seul, le roi de France pourra s’appliquer à décentraliser sans rien risquer pour lui ni pour la France. Son règne et la succession de ses descendants suffiront, en effet, à maintenir l’Unité française, quelque variété qui naisse de l’exercice des libertés locales.
(L’Étang de Berre, C. Maurras)

On le voit, la pensée de Maurras n’est pas si simpliste que ses détracteurs l’ont voulu faire accroire. L’on a trop souvent tendance à diviser l’histoire en deux : il y aurait, d’un côté, la monarchie répressive, autoritaire, et de l’autre la république libérale, démocratique. C’est oublier que le Siècle des Lumières correspondit au règne de Louis XV ; que la Révolution ne fut que la continuité du centralisme amorcé depuis Richelieu, et affermi par Louis XIV ; que Voltaire, le vrai philosophe de la liberté d’expression qu’admirait Maurras, et dont le centre et la gauche modernes feraient bien de relire un peu plus souvent les écrits, ne fut jamais républicain ; enfin que la « démocratie », et « l’esprit démocratique », sont deux choses bien différentes, et que la République a toujours été, à bien des égards, et encore aujourd’hui, bien plus dogmatique que ne le fut jamais la Monarchie…

Qui ne dit pas : Vive le roi de France ne peut dire : Vivent les républiques françaises. Mais qui dit : Vivent les républiques françaises dit par là même, s’il est patriote et sait ce qu’il dit : Vive le roi de France. Si donc vous entendez, en revanche, quelqu’un se dire royaliste, crier même : Vive le roi et vous chicaner sur notre Vivent les républiques dites-lui de ma part qu’il a perdu le sens des idées et jusqu’à la signification propre des mots.
(L’Étang de Berre, C. Maurras)

3. Mes idées politiques

3.1. Maurras contre Rousseau

Mes idées politiques, œuvre publiée en 1937, est une anthologie des idées maurrassiennes établie par Pierre Chardon, pseudonyme de Rachel Legras (maîtresse de Maurras dans les années 1910), précédée d’une très longue préface. Cet ouvrage a l’avantage de présenter une synthèse exhaustive de la pensée du directeur de l’Action française.
D’emblée, le monarchiste s’oppose à l’égalitarisme révolutionnaire. Comme Tocqueville, comme de Maistre, il voit dans le dogme de l’égalité la cause de tous les maux de la France depuis 1789.
Pour Maurras, les hommes sont inégaux par nature, et la loi doit précisément prendre en compte ces inégalités, afin de correspondre à cet état de fait. Là où les révolutionnaires veulent doter chacun des mêmes droits, lui veut prendre en compte les différences, pour y adapter le droit ; là où les révolutionnaires veulent créer a priori des constitutions, des lois, pour un ensemble indéterminé d’individus « libres et égaux », lui croit à la nécessité d’un droit créé a posteriori, à partir des données de l’expérience.
Il en veut pour preuve : dès la naissance, il existe une inégalité forte entre le nourrisson, qui ne donne rien et qui bénéficie pourtant de toutes les attentions, et les parents, qui prodiguent tous les soins sans aucun retour.

Cette activité sociale a donc pour premier caractère de ne comporter aucun degré de réciprocité. Elle est de sens unique, elle provient d’un même terme. Quant au terme que l’enfant figure, il est muet, infans, et dénué de toute liberté comme de pouvoir ; le groupe auquel il participe est parfaitement pur de toute égalité : aucun pacte possible, rien qui ressemble à un contrat.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Pour parler en termes juridiques, Maurras oppose le contrat au fait. À la pensée révolutionnaire qui s’obstine, par esprit libéral, à ne réduire la société qu’à une gigantesque contractualisation – l’on pense au Contrat social, de Rousseau –, Maurras la veut définir d’abord et avant tout par le fait, c’est-à-dire par l’histoire et la nature (sociale, géographique) – rejoignant en cela les théories de Montesquieu.

Personne ne s’est trompé autant que la philosophie des « immortels principes » quand elle décrit les commencements de la société humaine comme le fruit de conventions entre des gaillards tout formés, pleins de vie consciente et libre, agissant sur le pied d’une espèce d’égalité, quasi pairs sinon pairs, et quasi contractants, pour conclure tel ou tel abandon d’une partie de leurs « droits » dans le dessein exprès de garantir le respect des autres.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

La société ne s’est pas fondée sur une contractualisation libre, mais sur des rapports de force – lire pour s’en convaincre La Société féodale, de Marc Bloch. La théorie de Rousseau, Maurras la qualifie de « falote hypothèse libérale et démocratique ». Tout, dans l’histoire, contredit cette hypothèse : la Liberté, l’Égalité sont imaginaires – les sociétés ne se constituent, et n’évoluent, que par des « actions d’autorité et d’inégalité ».
Le petit d’homme, donc, bénéficie gratuitement d’une éducation qui va en faire un être de plus en plus construit. Très vite, il va chercher à s’associer pour ne pas être seul, et va « contracter » avec des camarades. Mais cette association n’a rien d’un contrat de gré à gré, libre, et d’égal à égal : au contraire, elle est un troc entre des faiblesses et des supériorités.

Faible, [l’homme] se trouve toujours trop seul ; fort, ne se sent jamais assez suivi ni servi. Aurait-il recherché si avidement le concours de ses semblables s’ils n’avaient été dissemblables, s’ils avaient tous été ses pairs, et si chacun lui eût ressemblé comme un nombre à un autre nombre ? Ce qu’il désirait en autrui était ce qu’il ne trouvait pas exactement de même en lui. L’inégalité des valeurs, la diversité des talents sont les complémentaires qui permirent et favorisèrent l’exercice de fonctions de plus en plus riches, de plus en plus puissantes. Cet ordre né de la différence des êtres engendra le succès et le progrès commun.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Maurras, pour le dire en un mot, soutient que l’ordre n’est pas né de la volonté arbitraire de quelques-uns, mais de la protection que quelques forts ont bien voulu accorder à quelques faibles, face à la barbarie et l’anarchie.

La loi civile et militaire n’est point née d’une volonté arbitraire de législateur ni du caprice d’une domination. On a subi des nécessités fort distinctes en fondant des piliers de l’ordre. Il est conseillé de ne pas les ébranler, en raison des maux qu’ils épargnent.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

L’auteur, très proche en cela du philosophe de Maistre, ne croit pas en l’invention de nouveaux systèmes ; il ne croit qu’à l’observation du réel – de l’histoire –, et des conclusions que l’on en tire. Selon lui, un législateur qui nie les grandes lois historiques est comme un savant qui nie la pesanteur. Il faut, au contraire, travailler de concert avec la nature : l’histoire, la patrie, la famille sont des éléments naturels avec lesquels il faut composer, plutôt que chercher à les détruire.

Qui peut utiliser la chute d’eau, la marée et le vent, se dispense d’aller chercher dans les entrailles de la terre un combustible artificiel. En politique, les forces utilisables sont à portée de la main. Et de quelle puissance ! Dès que l’homme se met à travailler avec la Nature, l’effort est allégé et comme partagé. Le mouvement reprend tout seul. Le fils trouve tout simple de devenir père ; l’ancien nourrisson, nourricier ; l’héritier entreprend de garder et d’augmenter l’héritage afin de le léguer à son tour ; le vieil élève élèvera. L’ancien apprenti sera maître ; l’ancien initié, initiateur. Tous les devoirs dont on a bénéficié sont inversés et reversés à des bénéficiaires nouveaux, par un mélange d’automatisme et de conscience auquel ont part les habitudes, les imitations, les sympathies, les antipathies, et dont il faut même se garder d’exclure les agréments de l’égoïsme, car ils ne sont pas en conflit obligatoire avec le bien social…
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Et de conclure :

L’histoire et la géographie des peuples, étant fort variées, produisent des régimes dont la forme extérieure varie aussi ; mais, que le Pouvoir nominatif y soit unitaire ou plural, coopté, hérité, élu ou tiré au sort, les seuls gouvernements qui vivent longuement, les seuls qui soient prospères, sont, toujours et partout, publiquement fondés sur la forte prépondérance déférée à l’institution parentale. Pour les Dynasties cela va de soi.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

L’on aura beau jeu de répliquer à cet argument qu’une lignée peut aussi s’avérer inégale, et conduire à ce que des enfants atteints de tares soient appelés à porter la couronne. Pour Maurras, cette critique est d’une mauvaise foi crasse : n’est-elle pas trop souvent soulevée par des oligarques républicains qui ne se privent jamais de placer leurs enfants, même les plus médiocres, aux postes les plus prestigieux ? L’on répondra que c’est l’argument du pire : aussi le monarchiste s’empresse-t-il d’ajouter qu’en tout état de cause, il vaudra toujours mieux livrer l’État à un descendant incontestable, qu’un conseil de régence pourra toujours contrôler, et dont les pouvoirs seront limités par le fédéralisme, qu’aux bêtes de concours qui se déchirent à intervalles réguliers pour emporter des élections, à grands coups de manipulations.

En laissant son empire « au plus digne », Alexandre le livrait aussi aux batailles de ses lieutenants qui le déchirèrent, comme de juste, au nom du sentiment de la dignité et de la supériorité de chacun.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Il résulte de tout ce qui précède qu’il faut accepter l’inégalité, et la laisser librement rééquilibrer la balance sociale : Maurras croit en une loi de la compensation naturelle, mais pour les structures collectives.

Quant aux biens imaginaires attendus de l’Égalité, ils feront souffrir tout le monde. La démocratie, en les promettant, ne parvient qu’à priver injustement le corps social des biens réels qui sortiraient, je ne dis pas du libre jeu, mais du bon usage des inégalités naturelles pour le profit et pour le progrès de chacun.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Celui qui, pour l’égalité, supprime les concentrations de richesse, le patrimoine, l’héritage, supprime du même coup le patrimoine immatériel (culturel, social, artistique), car le second va de pair avec le premier. Il engendre une société tristement individualiste, qui n’est plus réduite qu’à une vie d’homme ou de femme. Quand on dépouille ainsi les « riches privilégiés », on dépouille la communauté tout entière, on ruine la collectivité. « La haineuse envie des grandeurs fait-elle préférer ces ruines ? » questionne Maurras. Les ruines, répond-il, que l’on ne s’y trompe pas, on les aura plus sûrement avec ce genre de raisonnement.

Au fond, si enviables que soient les grandeurs sociales, le sentiment des infériorités personnelles reste le plus cuisant de tous, pour qui interroge la vérité des cœurs.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Donc, il faut rétablir la monarchie. Y a-t-il un risque d’abus oppressif ? Maurras balaye cet argument : cette fausse certitude ne provient que de la rhétorique de l’esprit révolutionnaire, qui a institué dans l’esprit des gens une méfiance automatique à l’encontre des gouvernants.

Quelles que soient les Puissances, il y a d’autres Puissances près d’elles. Il y a un Pouvoir. Ce Pouvoir souverain a pour fonction première de frapper les Grands quand ils sont fautifs.
On n’admettra point cette vue, on la rejettera même a priori si l’on garde sa confiance au lieu commun révolutionnaire qui suppose une inimitié essentielle entre les gouvernants et les gouvernés. Cependant leurs intérêts sont communs. Et le plus fort de tous est l’intérêt de la justice que l’un « rend », que l’autre réclame. La justice contre les Grands est peut-être la plus fréquente, sinon la plus facile, quand le Souverain, constitué sainement, ne repose ni sur l’Élection ni sur l’Argent, mais fonde, lui aussi, sur l’Hérédité.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Par ailleurs, l’hérédité permet une jeunesse brillante, parce qu’instruite plus facilement de par ses privilèges. Il cite Alexandre le Grand, ou Condé, vainqueur à Rocroi à seulement vingt ans. Il appelle notre démocratie le « Règne des Vieux ».
Enfin, regardons l’histoire : depuis 1789, les révolutions ont succédé aux invasions. La démocratie, qui repose sur la loi de la majorité, promet de toujours obéir à la majorité. Or, cela s’avère souvent impossible : d’où les crises.

À peine désignés, les pauvres exécuteurs de ces volontés mirifiques sentent pleuvoir tout le contraire des promesses qu’ils ont jurées. Leurs mandants s’en doutent à peine. Mais, peu à peu, les évidences se font jour. Ce qui ne peut pas être refuse d’être. Ce qui doit être, ce que produit l’antécédent qu’on a posé, suit le cours de sa conséquence. On voulait la paix, mais en désarmant : de tous côtés éclatent les fatalités de la guerre, on doit se mettre à réarmer. On annonçait l’abondance : il faut rogner la monnaie. Les salaires ont monté, mais les prix aussi ; il faut que les salaires montent encore : comment monteront-ils si l’on n’a plus d’argent pour les payer ? […]
La Démocratie accourt donc, les yeux bandés, au cimetière !
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Pour Maurras, la Révolution est à l’origine du régicide, mais aussi de Trafalgar, de Leipzig, de Waterloo, de Sedan, de la dépopulation, de la décadence, enfin de « tous nos reculs généraux ».

3.2. Maurras contre Marx

Charles Maurras explique ensuite que la grande industrie, née en même temps que la Révolution, peut être également perçue comme la cause des grands déséquilibres modernes. La nouvelle condition ouvrière, née de l’industrialisation, forme en effet un immense terreau favorable à toutes les révolutions. Si Maurras critique les dérives du capitalisme, il s’oppose cependant à Marx, en ce qu’il ne croit pas à la réalité de la « solidarité de classe ». En effet, les ouvriers, membres de professions, de régions différentes les unes des autres, ont par nature des intérêts divergents. Leur solidarité est une solidarité forcée ; elle a été provoquée par la loi Le Chapelier de 1791, suivie de la loi Waldeck-Rousseau de 1884. La première, en abolissant les corporations au nom du principe libéral d’individualisme contractuel contre les prétendus « intérêts communs », livrait les employés à la merci des employeurs, sans corps pour les défendre. La seconde entreprit d’améliorer la législation du travail, en autorisant la création des syndicats : les ouvriers pouvaient enfin se réunir, non plus en corporations d’intérêts propres, œuvrant dans un but commun, mais en masses informes d’ouvriers, œuvrant dans un but opposé à celui des employeurs.

Était-il difficile de comprendre la nécessité d’une association générale qui réunît tous les facteurs humains de la production ? Non certes pour nier telles puissantes divergences d’intérêt, traduites en querelles farouches ! Mais pour prendre, de haut, une vue nette et claire de convergences non moins fortes créées par l’immense intérêt commun – l’objet de leur travail –, le principe de leur vie à tous !
Car, de l’humble, fût-il très humble, au plus puissant, fût-il très puissant, cette communauté des intérêts peut et doit modérer les contradictions et remettre les oppositions à leur place, qui est subordonnée. L’ouvrier du Fer croit avoir un intérêt absolu à imposer le plus haut salaire possible et le patron du Fer à le refouler aussi bas que possible, mais tous deux ont le même intérêt, et plus fort, bien plus fort, à ce que leur partie commune, le travail du Fer, subsiste et qu’il soit florissant.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

D’autant plus, ajoute Maurras, que le cadre réel de l’économie ne doit pas être la planète, mais la nation. « En somme, écrit M. Motte, Maurras reconnaît la logique propre de l’économie (en quoi il n’est pas socialiste) sans admettre pour autant qu’elle échappe à tout contrôle social et politique (en quoi il n’est pas libéral). »
Seule la Démocratie empêche toutes ces vues, car elle divise :

La démocratie occupe l’État législateur par son gouvernement divisé et diviseur.
La démocratie travaille, menace, obsède et paralyse son patronat.
La démocratie excite et agite son prolétariat.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Le lecteur aura compris que Maurras critique, là encore, l’égalitarisme dogmatique de l’esprit révolutionnaire, qui est allé jusqu’à croire qu’employeurs et employés devaient traiter librement, sans solidarités pour biaiser le jeu contractuel – sans réfléchir à l’évidence, qu’employeurs et employés étant inégaux, les premiers auraient toujours l’avantage sur les seconds, et pourraient donc se livrer à toutes sortes d’abus.
Un constat s’impose : la démocratie, qui se vante de vouloir unir et faire la paix, passe son temps à diviser : c’est dans sa nature même. Elle est une « déesse guerrière ». D’ailleurs, Maurras voit, dans le « péril rouge », un aveu de sa violence par la démocratie : « elle fera la guerre jusqu’à ce que la guerre cesse faute de combattants, le combattant non prolétaire étant éliminé par une dictature du prolétariat ».
Maurras rejette la théorie de Marx de lutte des classes comme moteur de l’histoire : la lutte des classes ne vaut que dans des régimes dont la hiérarchie ne repose que sur la richesse, c’est-à-dire démocratiques. La démocratie est par conséquent la cause première de cette tension perpétuelle entre prolétaires et patrons. En égalisant tout le monde, elle promeut un régime de lutte.

La démocratie sociale prêche un égalitarisme contre nature d’après lequel le fort doit insulter au faible, et le faible haïr le fort.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Pour Maurras, Communisme, Socialisme, Étatisme, ont le même vice, celui de la démocratie, qui les jette dans des luttes permanentes liées à la folie égalitaire, qui n’ont pas nécessairement lieu d’être.

C’est que le grand mal ne vient pas du Communisme, ni du Socialisme, ni de l’Étatisme prétendu radical, mais de la démocratie. Ôtez la démocratie, un communisme non égalitaire peut prendre des développements utiles, à la lueur d’expériences passées : les biens communaux ont été plus fréquents dans la vieille France que dans la nouvelle ; de même, les communautés possédantes ; le cénobitisme des congrégations religieuses a poussé à l’extrême divers modes de possessions non appropriées, mais que dominait le détachement des biens matériels et non la fureur de l’égalité dans la répartition ou la jouissance. Pour la même raison, un Socialisme non égalitaire conformerait son système de propriétés syndicales et corporatives à la nature des choses, non à des utopismes artificieux. Un Étatisme non égalitaire peut avoir les mêmes vertus.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

L’auteur rejoint là sa théorie de départ : l’État, pour le bien public, doit observer le réel, et en tirer des conclusions – sans dogme. Motte écrit : « Maurras préconise en économie la même méthode qu’en politique : il s’agit d’expérimenter, puis de conserver ce qui donne satisfaction tant que cela donne satisfaction, sans se lier à aucun dogme. C’est ce qu’il appelle « l’empirisme organisateur » ».

Conclusion

Maurras, à l’occasion de quelques lignes brillantes, fustige le totalitarisme démocratique, qui existe bel et bien, sous des apparences de régime libéral.

Certains bavardages de café et de presse restent libres ou du moins le restaient avant le Front populaire, mais des couches entières de ce peuple ombrageux et fier sont pis que terrorisées : intimidées. Elles s’en doutent à peine. La persécution directe et formelle susciterait une irritation salubre : la menace reste obscure et vague ; elle ne saurait entreprendre sur la liberté de penser, mais elle en limite incroyablement l’expression dans le privé, comme dans le public. Comme on se repent vite de s’être « montré » ! Comme, sur les instances de parents et d’amis, on se promet et l’on promet aisément aux autres de ne plus se « remontrer » ! [Ce] despotisme anonyme est indolore, mais nullement inoffensif.
Ces habitudes ont entraîné une singulière évolution de la langue : autrefois, net et dru, le français devient flasque, oblique, imprécis, tout en reculs, détours et lâches antiphrases. On semble vouloir se mettre du coton dans la bouche et bourrer d’étoupe la pointe de sa plume.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

Et de conclure :

La nature des hommes, celle qui précède leur volonté, est un sujet dont la seule mention suffit à offusquer le panjurisme contractuel, d’où procèdent, suivant un volontarisme sans frein, ces divagations de démocratie libérale qui supposent que nous pouvons tout ce qu’il nous vient à la fantaisie de vouloir ! Leurs ambitions sont folles, leur folie juge le principe d’où elles sortent. Tout ce que l’on bombycine en leur honneur ne fera jamais qu’il soit au pouvoir du petit homme d’élire son papa et sa maman, ni que sa liberté, si souveraine soit-elle, puisse choisir l’emplacement de son berceau. Ce point-là règle tout.
(Mes idées politiques, C. Maurras)

 

Lecture conseillée :

  • Maurras, Charles, L’Avenir de l’intelligence, et autres textes, Paris, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2018

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