L’Avenir de l’intelligence, de Charles Maurras – « Écrire est un métier. Ce ne sera jamais une profession. »

Charles Maurras, photographie du Studio Harcourt, 1937, source RMN
Charles Maurras, photographie du Studio Harcourt, 1937, source RMN

De même qu’il serait parfaitement malvenu d’occulter la pensée antisémite de Charles Maurras – de cela, nul ne disconvient –, de même, il serait tout aussi malvenu de masquer délibérément le reste de son œuvre, visionnaire à plus d’un égard, derrière ses saillies anti-juives. Un homme est complexe ; réduire une pensée à cent quarante signes, c’est invariablement la violer : la nuance, qui est le cœur nucléaire de la pensée complexe, suppose toujours d’infinis développements. Une idéologie est par essence multiple, hétéroclite, et pleine de paradoxes. Les vulgarités y côtoient les éclairs de génie, et les erreurs grossières, les analyses brillantes. Appréhender les idées d’un littérateur dans leur totalité, c’est, par conséquent, ni ne s’arrêter qu’aux idées qui dérangent – d’autant plus que l’on en fait toujours une lecture par nature anachronique, avec le recul de l’histoire –, ni concentrer son attention, par une sorte de ravissement crédule et béat, sur les seules grandes vues ; c’est, au contraire, chercher à en démêler tous les enchevêtrements, et toutes les ramifications : cela suppose un travail de lecture difficile, mais fertile pour l’intelligence.
Ainsi, comment comprendre que de Gaulle, le grand résistant, fut, sinon fasciné par le « collabo » Maurras, du moins en accord idéologique avec lui ? En lisant, par exemple, la compilation des textes de Maurras opérée par la collection Bouquins, chez l’éditeur Robert Laffont, en 2018 (L’Avenir de l’intelligence et autres textes). En prenant connaissance de cette édition établie et présentée par Martin Motte, l’on sortira d’une vision beaucoup trop simpliste de l’histoire, au sujet, notamment, de la collaboration : « Contrairement à ce qu’a longtemps soutenu une historiographie manichéenne, l’entourage de Pétain était souvent hostile à l’Allemagne. Quant à la France Libre et à la Grande-Bretagne, leurs relations ont été tendues : même si des travaux récents démentent les allégations de Maurras sur le jeu des Anglais au Levant ou le complot anglo-juif ourdi par Spear, il est clair que Churchill privilégia les intérêts britanniques – pour ne rien dire des Américains qui, par l’entremise de Jean Monnet, entendaient bien vassaliser la France » (M. Motte). L’on comprendra, également, que de Gaulle, patriote jusqu’au fond du cœur, ne pouvait que s’accorder avec la plupart des idées nationalistes développées par Maurras. « Edmond Michelet avait été frappé par les harmoniques maurrassiennes d’un exposé de politique étrangère fait par de Gaulle en Conseil des ministres, ce qui n’a rien d’étonnant si l’on songe que le père du Général avait été un grand admirateur de Maurras et que lui-même avait eu des contacts avec l’Action française dans l’entre-deux guerres. […] Nombre des héros qui libérèrent la France étaient des maurrassiens ou au moins d’anciens lecteurs de l’Action française – citons le colonel Rémy, le maréchal Leclerc, Pierre Messmer, Henri d’Astier de La Vigerie, Guillain de Bénouville, Daniel Cordier ou Jacques Renouvin, sans oublier bien sûr le général de Gaulle » (M. Motte).
De Gaulle, justement, cet écrivain sublime – que l’on lise et relise les Mémoires de guerre pour s’en convaincre –, ne pouvait qu’adhérer, comme son père, aux idées particulièrement clairvoyantes développées par Maurras dans L’Avenir de l’intelligence, ce texte publié en 1905, dans lequel le monarchiste évoque le statut nouveau de l’homme de lettres, et prédit, avec une vision de prophète, toute la société contemporaine.
Voici, en quelques mots, la thèse de Maurras : la combinaison 1° du désamour dont a été victime l’homme de lettres, qui, du statut d’Oracle, est passé à celui d’intellectuel dont il faut se méfier par suite du désenchantement général des années 1850, et surtout 1870, et 2° de l’industrialisation, ont conduit à ce que le littérateur ne puisse plus vivre de sa seule plume, et matériellement, et socialement. Il s’est retrouvé par conséquent, tel un salarié, asservi à la puissance de l’Argent : il n’a plus fait de sa plume une profession – entendez sacerdoce –, mais un métier. Il est devenu un employé, et, plus précisément, un employé de la bien-pensance, car au service des grands industriels, propriétaires des moyens de la Presse. En ayant ainsi vendu sa plume, il s’est volontairement censuré : l’Intelligence – entendez l’intelligentsia – en a pâti, ce qui explique son impossibilité récurrente à prédire nos défaites, et, d’une manière générale, notre décadence.

1. Le sacre et la chute de l’écrivain

L’analyse que fait Charles Maurras de l’histoire de la littérature, au début de L’Avenir de l’intelligence, ressemble à s’y méprendre à celle faite par Paul Bénichou dans Le Sacre de l’écrivain. Comme Bénichou, Maurras constate, pour le dire en un mot, qu’avant le dix-huitième siècle les écrivains n’avaient qu’une fonction de parure, et même soutenaient l’ordre, et qu’à partir des Lumières, ils sont sortis de leur rôle de sujet pour prendre celui du roi.

La royauté de Voltaire, celle du monde de l’Encyclopédie, ajoutées à cette popularité de Jean-Jacques, établirent très fortement, pour une trentaine ou une quarantaine d’années, la dictature générale de l’Écrit. L’Écrit régna non comme vertueux, ni comme juste, mais précisément comme écrit. Il se fit nommer la Raison.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Maurras ajoute que « l’époque révolutionnaire marque le plus haut point de dictature littéraire. »
Au dix-neuvième, poursuit Maurras, la Raison des philosophes a été peu à peu contredite, et s’est même avérée parfois factuellement délétère. Par exemple, l’universalisme révolutionnaire, tant vanté par les Philosophes et les Poètes, a provoqué, en réalité, la constitution des États européens – notamment de l’Italie et de l’Allemagne –, ce qui a fini par se retourner contre nos intérêts, puisque l’Allemagne enfin unie nous a déclaré la guerre, puis battu à Sedan en 1870. Idem pour le libéralisme économique : l’on a cru bon d’affirmer avec force que l’employeur et l’employé devaient traiter librement, au nom de l’autonomie de la volonté. Mais peu à peu, la très grande industrie s’est développée, si bien qu’il n’y a plus eu d’égalité entre le chef d’entreprise, puissant comme un chef d’État, et le pauvre employé d’usine – et dès lors la liberté contractuelle devenait faussée, pour ne pas dire injuste.
Tout cela eut pour conséquence que dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, après Louis-Philippe et Napoléon III et le « désenchantement » général, pour reprendre le mot de P. Bénichou, l’homme de plume, ayant perdu toute sa crédibilité, fut remplacé par le Politique. Baudelaire, Huysmans, Mallarmé, et leur littérature de « tour d’ivoire », c’est-à-dire à rebours de l’idéologie romantique, traduisent ce désenchantement.
Les lettres ont été de plus en plus délaissées, voire considérées comme pernicieuses, car, à l’inverse des Ronsard, des Malherbe, des Corneille ou des Bossuet, les écrivains romantiques, tels que Victor Hugo, n’ont cessé de fomenter les révolutions, en s’attaquant aux lois, à l’État, à la discipline, à la patrie, à la famille et à la propriété.

Le sens national, l’esprit traditionnel étaient deux fois choqués par ces nouvelles directions de l’intelligence. Il n’est point permis d’oublier que les Lettres françaises furent jadis profondément conservatrices, alors même qu’elles chantaient des airs de fronde ; favorables à la vie de société, alors qu’elles pénétraient le plus secret labyrinthe du cœur humain.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Maurras explique ensuite que le progrès matériel consécutif à l’industrialisation, qui transforme en profondeur la société, impacte durement l’Intelligence : la pensée n’étant pas, par nature, immédiatement créatrice de fortune matérielle, elle est, par conséquent, délaissée par la société industrielle. Pour le dire en un mot : les hommes cherchent de plus en plus la richesse matérielle, et puisque la plume ne leur permettra jamais d’accéder à un haut niveau de fortune, elle est abandonnée.

Ni aujourd’hui ni jamais, la richesse ne suffit à classer un homme ; mais aujourd’hui plus que jamais, la pauvreté le déclasse. Non point seulement s’il est pauvre, mais s’il est de petite fortune et que le parasitisme ou la servitude lui fasse horreur, le mérite intellectuel se voit rejeté et exclu d’un certain cercle de vie. […]
Au temps où la vie reste simple, la distinction de l’Intelligence affranchit et élève même dans l’ordre matériel ; mais, quand la vie s’est compliquée, le jeu naturel des complications ôte à ce genre de mérite sa liberté, sa force : il a besoin pour se produire d’autre chose que de lui-même et, justement, de ce qu’il n’a pas.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Résumons : l’artiste, désormais, doit « vivre » de sa plume – c’est ainsi qu’est apparue la littérature industrielle, le roman-feuilleton. Mais cela change le statut de l’écrivain : ce dernier devient rien de plus que le rentier d’une rente incertaine, celle du public inconstant. Il n’a plus si facilement accès aux salons, au « monde », et ne sera jamais aussi riche que les grands patrons, qui détiennent véritablement le pouvoir et prennent de plus en plus l’écrivain en pitié, voire le méprisent. Zola, qui a eu le plus grand succès de l’industrie littéraire, est ainsi très très loin d’avoir pu atteindre la fortune des entrepreneurs du sucre, ou des métallurgistes.

Devenue Force industrielle, l’Intelligence a donc été mise en contact et en concurrence avec les Forces du même ordre mais qui la [dé]passent de beaucoup comme force et comme industrie.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Maurras constate qu’aujourd’hui, un écrivain peut tout juste espérer vivre comme un artisan : gagner juste assez pour survivre.

De nos jours, un écrivain adroit et fertile ne manquera pas de son pain. Comme on dit chez les ouvriers, l’ouvrage est assuré. Il a la vie à peu près sauve et, s’il n’est pas trop ambitieux de parvenir, de jouir et de s’enrichir, si, né impulsif, tout pétri de sensations et de sentiment, son cœur-enfant, de qui dépend l’effort cérébral quotidien, est assez fort pour se raidir contre les tentations ou réagir contre les dépressions ou contre les défaites, il peut se flatter de rester, sa vie durant, propriétaire de sa plume, maître d’exprimer sa pensée.
Je ne parle que de sa condition présente en 1905. Elle peut devenir beaucoup plus dure avec le temps. Aujourd’hui, elle est telle : débouchés assez vastes pour assurer sa subsistance, assez variés pour n’être point trop vite entraîné au mensonge et à l’intrigue alimentaire. […] Mais gare à demain.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

2. L’écrivain comme salarié

Sa détestable habitude de se révolter contre tout et d’entraîner, par de belles paroles, de fâcheuses répercussions, doublée de son appauvrissement par l’industrialisation de la société, ont donc rendu l’écrivain plus que jamais menacé.
L’homme de lettres est devenu une proie facile pour les forces industrielles. Ces dernières, ayant dépassé l’Intelligence, ont naturellement cherché à l’asservir. Pour ne pas crever, les écrivains ont été contraints de se vendre à l’industrie : ils n’ont pas que vendu leurs plumes, ils ont vendu leurs âmes, et leur liberté.

L’indépendance littéraire n’est bien réalisée, si l’on y réfléchit, que dans le type extrême du grand seigneur placé par la naissance ou par un coup de fortune au-dessus des influences et du besoin (un La Rochefoucauld, un Lavoisier, si l’on veut), et dans le type correspondant du gueux soutenu de pain noir, désaltéré d’eau pure, couchant sur un grabat, chien comme Diogène ou ange comme saint François, mais trop occupé de son rêve, et se répétant trop son unum necessarium pour entrevoir qu’il manque des commodités de la vie. Pour des raisons diverses, ils sont libres, étant sans besoins, tous les deux. Ils ne connaissent aucune autre joie profonde. Pour ceux-là, les seuls dans le vrai, écrire est peut-être un métier. Ce ne sera jamais une profession.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Maurras ajoute, brillant, en l’occurrence, que « c’est cette recherche de la denrée intellectuelle sur un marché économique qui fait le vrai péril de l’Intelligence contemporaine. »
L’écrivain était déjà suspect aux yeux du public, et de l’industrie : le fait qu’il se soit vendu à la seconde le rend encore plus suspect. S’il n’a plus de liberté, à quoi sert-il, au fond ? Il n’est plus que porte-parole des intérêts de l’argent et du capital.

On soupçonnera trop que l’écrivain n’est pas libre dans son action et qu’elle est « agie » par des ressorts inférieurs. Le représentant de l’intelligence sera tenu pour serf, et de maîtres infâmes.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Quant à ceux que Maurras nomme les « publicistes », c’est-à-dire l’Intelligence chargée d’éclairer le pouvoir – entendez les journalistes –, en se vendant, ils perdent également leur pouvoir d’éclairer et d’orienter les masses obscures. En d’autres termes : la société industrielle appauvrit l’Intelligence, parce que chacun doit gagner de l’argent, et, par conséquent, ne raisonne plus que par intérêt privé. En parlant du Premier Empire, il dit :

[La Presse] était devenue force industrielle, machine à gagner de l’argent et à en dévorer, mécanisme sans moralité, sans patrie et sans cœur. Les hommes engagés dans un tel mécanisme sont des salariés, c’est-à-dire des serfs, ou des financiers, c’est-à-dire des cosmopolites. Mais les serfs sont toujours suffisamment habiles pour se tromper ou se rassurer en conscience quand l’intérêt leur a parlé ; les financiers n’ont pas à discuter sur des scrupules qu’ils n’ont plus.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

L’Intelligence étant soumise au règne de l’industrie, c’est-à-dire de l’Argent, elle peut être tournée contre l’intérêt national, quand l’or le veut.
Comment donc, s’interroge Maurras, restreindre les bornes de l’Argent et de l’Opinion ? Selon lui, une monarchie, par la loi du Sang, empêcherait que l’Argent et l’Opinion ne « fabriquent » de toutes pièces le chef de l’État. Il démontre ensuite comment les gouvernements militaires européens, notamment l’Angleterre et l’Allemagne, n’ayant pas voulu suivre l’exemple de la France, ont su habilement se servir de l’argent pour tourner l’Opinion à leur profit, en achetant l’Intelligence.
Maurras dit, en substance, que la Presse est toujours soumise : soit à l’Argent, soit au Pouvoir, quand il n’est pas fait par l’Opinion ; à tout prendre, il vaut donc mieux qu’elle soit soumise au Pouvoir – entendez celui qui n’est pas fait par l’opinion, c’est-à-dire le roi –, car cela est au moins conforme aux vues de l’État.

L’État-Argent administre, dore et décore l’Intelligence ; mais il la muselle et l’endort. Il peut, s’il le veut, l’empêcher de connaître une vérité politique et, si elle voit cette vérité, de la dire, et, si elle la dit, d’être écoutée et entendue. Comment un pays connaîtrait-il ses besoins, si ceux qui les connaissent peuvent être contraints au silence, au mensonge, ou à l’isolement ?
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Maurras, citant un article de M. Brulat paru dans L’Aurore en 1903, fait remarquer que le journaliste n’est plus qu’un salarié payé pour divertir le lecteur jusqu’à la quatrième page, qui est celle des publicités. C’est que le journal, propriété, est d’abord et avant tout, dans la conception capitaliste, une affaire qui doit rapporter de l’argent : il ne doit que plaire au public, et retenir l’abonné.
Toutes ces raisons, mises bout à bout, contribuent à la grande chute de l’Intelligence.

3. Considérations sur l’avenir

Maurras se veut éventuellement optimiste, et croit que le Sang (le pouvoir héréditaire) pourra faire alliance avec l’Or, et retrouver sa place perdue. Mais il n’est pas dupe quant à l’avenir de l’intelligence.

Le Sang et l’Or seront recombinés dans une proportion inconnue. Mais l’Intelligence, elle, sera avilie pour longtemps ; notre monde lettré, qui paraît si haut aujourd’hui, aura fait la chute complète, et, devant la puissante oligarchie qui syndiquera les énergies de l’ordre matériel, un immense prolétariat intellectuel, une classe de mendiants lettrés, comme en a vu le Moyen Âge, traînera sur les routes de malheureux lambeaux de ce qu’auront été notre pensée, nos littératures, nos arts.
Le peuple en qui l’on met une confiance insensée se sera détaché de tout cela, avec une facilité qu’on ne peut calculer mais qu’il faut prévoir. C’est sur un bruit qui court que le peuple croit à la vertu de l’Intelligence ; ceux qui ont fait cette opinion ne seront pas en peine de la défaire.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Il y eut une espèce de culte de l’écrivain : on le considérait comme esprit supérieur, et digne de fortune. Bientôt, les industriels feront courir le bruit, dans le peuple, que « leur esprit d’invention passe celui de Victor Hugo, puisqu’ils ont l’art d’en retirer de plus abondants bénéfices ! » Alors, ce sera la fin de l’écrivain.

Littérature deviendra synonyme d’ignominie. On entendra par là un jeu qui peut être plaisant, mais dénué de gravité, comme de noblesse. Endurci par la tâche, par la vie au grand air et le mélange de travail mécanique et des exercices physiques, l’homme d’action rencontrera dans cette commune bassesse des lettres et des arts de quoi justifier son dédain, né de l’ignorance. […] Un sot moralisme jugera tout.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Maurras, cette fois-ci, se veut résolument optimiste, et appelle solennellement au réveil de l’Intelligence.

Elle a propagé la Révolution : supposez qu’elle enseigne, au rebours, le Salut public.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

S’ensuit alors un véritable programme contre-révolutionnaire : l’Intelligence doit défendre les intérêts de la nation, pas ceux de l’Argent, afin de regagner son autorité morale ; elle doit obliger l’Opinion à sentir la nullité de ses pouvoirs ; gagner les citadelles de l’Argent, et les utiliser contre leur propre gré, à l’aide justement de l’argent diviseur ; rassembler de puissants organes matériels de publicité pour se faire écouter. Ce sera difficile, mais pas impossible.

4. Conclusion

Maurras est sincèrement attristé par ce que l’on appellerait aujourd’hui « la baisse du niveau intellectuel en France », par l’effet conjugué de la mauvaise attitude des écrivains romantiques et de l’industrialisation de la société, qui a définitivement fait basculer le monde des rois, des élites et des artisans, à celui des grands patrons, des journalistes achetés par le pouvoir, et de la masse précarisée.

Ce que nous aurons peine à trouver en un siècle où tout le monde écrit et discute, […] c’est l’amour éclairé des lettres, à plus forte raison le goût de la philosophie. […] Je voudrais me tromper : mais, après tant de siècles de vie intellectuelle très raffinée, une haute classe française qui n’aime plus à lire me semble près de son déclin.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

Attristé mais non point défaitiste, au contraire de Chateaubriand, à qui, dans les Trois idées politiques, il a vertement reproché de s’être complu dans les ruines, Maurras écrit ces phrases, en préface, qui se veulent optimistes.

Je comprends qu’un être isolé, n’ayant qu’un cerveau et qu’un cœur, qui s’épuisent avec une misérable vitesse, se décourage, et tôt ou tard, désespère du lendemain. Mais une race, une nation sont des substances sensiblement immortelles ! Elles disposent d’une réserve inépuisable de pensées, de cœurs et de corps. Une espérance collective ne peut donc pas être domptée. Chaque touffe tranchée reverdit plus forte et plus belle. Tout désespoir en politique est une sottise absolue.
(L’Avenir de l’intelligence, C. Maurras)

 

Lecture conseillée :

  • Maurras, Charles, L’Avenir de l’intelligence, et autres textes, Paris, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2018.

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