L’Histoire de la Gothie – Un roman de réalisme médiéval

Auteur inconnu : dessin du roi des figurines de Lewis

L’Histoire de la Gothie (disponible à l’achat en cliquant juste ici) est la chronique d’un royaume imaginaire, qui court de son émergence des ruines de l’Empire jusqu’à sa constitution en tant qu’État centralisé.

Ce roman est original autant dans son extérieur que dans son intérieur. Quant à la forme, il fait figure de nouveauté : il n’est ni une œuvre de fantasy, car seule le guide la loi du réalisme, ni un roman historique, car l’ensemble des événements qui le traversent, s’ils sont pour la plupart inspirés de faits réels, n’en demeurent pas moins fictifs d’un bout à l’autre. Quant au fond, il propose, par-dessous son histoire plaisante, un ensemble de réflexions sur la venue d’un État moderne assez similaire à la France, dont voici un aperçu, en quelques lignes :

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1. Un roman d’histoire

Trois interrogations ont présidé à l’accomplissement de cet ouvrage : premièrement, si l’histoire est, comme l’écrit le philosophe irlandais Edmund Burke, « un grand livre ouvert pour notre instruction qui permet de dégager des erreurs passées et des maux qui ont accablé le genre humain les données d’une sagesse future » ; deuxièmement, si ce n’est pas un fol espoir que d’espérer trouver un jour la sagesse, quand le sens même du mot philosophie – « l’amour de la sagesse » – ne désigne qu’un « acheminement vers la sagesse, un degré correspondant à un état inférieur à celle-ci » (R. Guénon) ; et troisièmement, si, au cours des sept cents dernières années, l’homme occidental a jamais eu l’opportunité d’entraver le sens de la grande marche du temps, quand bien même l’un d’eux eût touché du doigt la sagesse.
À la première nous répondrons que, certes, l’histoire tient autant du roman d’apprentissage que du conte moralisateur ; mieux que les Illusions perdues de Balzac, mieux que L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert, L’Histoire des Francs de Grégoire de Tours ou Les Annales de Tacite nous renseignent sur les combats éternellement recommencés de la nature humaine ; et Les Origines de Rome de Tite-Live, La Société féodale de Marc Bloch, et même La Guerre de Cent ans de Jean Favier nous délivrent des leçons plus profondes encore que les Maximes de La Rochefoucauld.
À la deuxième nous répondrons que le choix du mot sagesse est assurément contestable ; que cette contestation sera d’ailleurs le point de départ du présent ouvrage, qui relatera la naissance et l’expansion d’un royaume imaginé – chroniqué, à la manière de Jean Froissart, année après année. L’on s’échinerait en effet en vain à tirer un quelconque enseignement philosophique du nombre infini des causes et des conséquences qui parcourent l’histoire – si bien que l’on renonce et que si l’on veut malgré tout, obéissant à la préconisation de Burke, « dégager les données d’une sagesse future », alors il faut, par défaut de rationalisme, pratiquer un empirisme forcé qu’un autre penseur, le philosophe de Maistre, nomme « politique expérimentale ». Bossuet, qui écrit dans son Discours sur l’Histoire universelle qu’ « il n’est rien de plus utile à l’instruction des princes que de joindre aux exemples des siècles passés les expériences qu’ils font tous les jours », n’eût sans doute point désapprouvé. En histoire, il faut être empirique : le rationalisme a ses limites.
À la troisième nous répondrons ceci : qu’un retour de sept cents ans en arrière nous ramène une dizaine d’années avant le début de la guerre de Cent Ans ; que de Philippe IV le Bel à Louis XI, les rois, par réaction à cette grande crise de la féodalité, ont conduit le royaume de France vers la modernité ; que la Révolution fut la crise de la modernité, à laquelle ont réagi Napoléon et les thermidoriens, précipitant la nation dans l’ère industrielle dont nous ne sommes toujours pas sortis ; et que la catastrophe climatique, ou nucléaire, sera sans doute la grande crise de l’ère productiviste, jetant l’occident dans un renouveau post-industriel – l’histoire nous enseigne qu’il n’y aura pas de grand homme pour empêcher la catastrophe, mais qu’il y en aura certainement toute une avalanche pour en limiter les conséquences. Qu’en déduit-on ? Que l’homme, victime de l’implacable marche de l’histoire – dont le moteur est plus volontiers activé par des ressorts qui lui échappent comme la démographie, la dialectique hégélienne, le désir mimétique, le climat ou la lutte des classes –, agit toujours par réaction, jamais par anticipation. Aussi l’histoire n’est-elle, au fond, qu’une science à la fois complexe et tragiquement inutile. Hélas, il nous est ontologiquement impossible de prévenir nos ébranlements prochains car cela nous amènerait, le plus souvent, à pratiquer une politique contraire à nos propres intérêts. Or, se dépouiller pour se protéger d’un mal à venir, c’est contre-nature ; tandis que se dévaluer pour survivre, c’est instinctif : un conscrit ne se mutile pas avant que ne soit déclarée la guerre – il se tranche le doigt quand elle est effective, pour ne pas mourir au front. Si Philippe le Bel avait voulu empêcher la guerre de Cent Ans, il eût dû donner au roi d’Angleterre les Flandres, l’Aquitaine et la couronne de France – non seulement il eût livré le royaume, mais il eût également empêché le conflit de le pousser dans la modernité. Les révolutionnaires, s’ils n’avaient pas engendré la Terreur puis Napoléon Bonaparte qui acheva la Révolution et termina le processus d’absolutisme centralisateur engagé depuis Philippe IV, eussent assurément précipité la France dans les abysses quand, ayant perdu Toulon, elle était menacée de l’intérieur par les Vendéens et de l’extérieur par la Prusse, l’Autriche et la Russie. Poursuivons : si nous voulions, aujourd’hui, efficacement lutter contre le réchauffement climatique, il nous faudrait empêcher les émissions mondiales de méthane et de dioxyde de carbone causées par l’industrie, ce qui reviendrait à porter atteinte à la globalisation et à la consommation de masse, c’est-à-dire aux libéralismes économique, politique et de mœurs – non seulement les récessions seraient dantesques, mais cette orientation nouvelle entraînerait un tel recul du niveau de vie, un tel renversement des structures du monde, un tel bouleversement idéologique, qu’il faudrait, d’une part, que les gouvernants ne fussent pas soumis aux échéances régulières de la démocratie, d’autre part, qu’ils pussent supporter les assauts des révolutions.

2. Un roman réaliste

Les trois réponses qui précèdent nous enseignent que l’histoire est tout à la fois édifiante, expérimentale et inexorable : elle enseigne, elle éprouve, elle avance.
En narrant la naissance et l’expansion d’un royaume que nous appellerons la « Gothie », ce roman tentera de tenir compte de ces trois aspects essentiels. Il cherchera d’abord l’édification : l’observation d’un phénomène ne vaut que tant qu’on en tire des conclusions – une description ne vaudra jamais une analyse. Il sera ensuite conduit comme une expérience dont les paramètres seront une modélisation de l’Europe occidentale à la chute de l’Empire romain : pour la clarté du récit, et afin de ne pas trop accabler le lecteur, la chronologie sera cependant accélérée. Il cherchera, enfin, à ne pas sombrer dans ce que René Girard nommait le « mensonge romanesque » : c’est dire que les faits obéiront moins aux caprices des princes qu’à l’inflexible loi des progressions sociétales – disons-le d’emblée, il n’en est pas un qui n’aura son équivalent, en France ou ailleurs, dans l’histoire véritable des petits épisodes et des grands événements de ce monde. Pour citer Balzac : « Ce drame n’est ni une fiction, ni un roman : all is true. »

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